Le nettoyage et la mise en forme des canaux calcifiés

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J'aimerais remercier la Dre Dabuleanu pour sa présentation audiovisuelle sur la prise en charge des canaux calcifiés1 sur le site Web jcdaf.ca. Cette présentation très claire et fort instructive fournit des conseils très précieux pour ceux qui, comme moi, viennent de terminer leurs études!

Durant le traitement endodontique de canaux très calcifiés, l'une des grandes difficultés pour moi est que j'aurais tendance à utiliser une grande quantité de solution d'irrigation. Je constate cependant que durant l'exploration initiale, lorsque le canal est assez étroit, l'irrigation ne réussit pas à éliminer les débris créés par la lime dans la portion apicale. Pour tenter de résoudre ce problème, j'ai essayé de pratiquer une ouverture coronaire initiale avec des fraises Gates Glidden. J'ai toutefois abandonné cette pratique, car la préparation initiale avec la fraise projette des débris en direction apicale, de sorte qu'il est encore plus difficile d'atteindre la longueur de travail dans un canal calcifié. J'utilise aujourd'hui un instrument rotatif pour créer l'ouverture initiale, et j'ai l'impression que ces instruments ne projettent pas autant de débris en direction apicale. Je crains toutefois que la lime rotative d'élargissement coronaire ne se brise. En fait, je cherche à créer une conicité coronaire (technique corono-apicale) afin de pouvoir mieux négocier la portion apicale, d'obtenir la longueur de travail et de créer une zone où la solution d'irrigation pourra s'accumuler.

Avez-vous des idées sur ce point?

 

Dr Eric Granberg
Saskatoon, Saskatchewan

Référence

  1. Dabuleanu M. Managing calcified canal systems: audiovisual presentation. J Can Dent Assoc. 2010;76:a128.

Réponse de l'auteure

Citez comme suit: J Can Dent Assoc 2011;77:b37_f

Je vous remercie de vos questions et de vos commentaires au sujet de ma présentation audiovisuelle sur la prise en charge des canaux calcifiés1.

En général, les canaux présentent différents degrés de calcification où l'accès est limité. Si l'instrumentation s'avère difficile dans certaines portions du canal, l'irrigation de ces zones difficiles d'accès le sera également. Selon Khademi et coll.2, la mise en forme canalaire devrait créer une conicité de 6 % et un diamètre apical de 0,3 mm (lime de calibre 30) pour éliminer les bactéries et la boue dentinaire dans le tiers apical des canaux. Pour leur part, Boutsioukis et coll.3 ont observé que l'aiguille à fente latérale de calibre 30 doit descendre à une distance de 1 mm de la longueur de travail dans un canal d'une conicité de 6 % et d'un diamètre apical de 0,45 mm (lime de calibre 45), de manière à assurer une bonne pénétration de la solution d'irrigation sur toute la longueur de travail. Ceci étant dit, plus l'aiguille s'approche de l'apex, plus la pression apicale est forte et donc plus le risque d'extrusion de la solution d'irrigation est grand. Un compromis plus sûr, selon les résultats de leur étude, consiste à limiter l'introduction de l'aiguille à une distance de 2 à 3 mm de la longueur de travail établie.

Il a été prouvé qu'une géométrie adéquate du canal permet un nettoyage et une mise en forme plus efficaces de cette portion critique qu'est le tiers apical. La difficulté consiste à accéder rapidement au tiers apical et à l'exposer suffisamment longtemps à la solution d'irrigation pour que le canal soit jugé «propre». Selon Giardino et coll.4, même une exposition de 5 minutes à l'hypochlorite de sodium (NaOCl) à 5,25 % permet de désagréger et de dissoudre des biofilms d'Enterococcus faecalis produits sur des membranes filtrantes de nitrate de cellulose. Il serait donc tentant d'opter pour une exposition de 5 minutes, étant donné les contraintes de temps dans la pratique quotidienne. Cependant, comme l'exposition directe des biofilms canalaires à la solution d'irrigation est souvent ce qui pose problème, il serait plus prudent d'opter pour une exposition plus longue.

Les chercheurs continuent d'étudier diverses méthodes d'application en vue d'accroître l'efficacité de l'irrigation. Ces efforts ont notamment mené à la mise au point d'un nouveau système d'irrigation à pression négative (EndoVac, Discus Dental, Culver City, CA) qui vise à mieux exposer le tiers canalaire apical à la solution d'irrigation5. D'autres cherchent à démontrer les bienfaits antibactériens accrus des systèmes d'agitation ultrasonique passive, avec ou sans pulsation, pour accélérer l'élimination des débris dentinaires6. D'autres encore ont constaté que l'agitation subsonique d'une solution de NaOCl à 5 % avec l'EndoActivator de Ruddle (Dentsply Tulsa Dental, Tulsa, OK), pendant 30 secondes, réduit beaucoup plus la charge bactérienne que l'irrigation seule7.

Les canaux calcifiés sont non seulement difficiles à localiser, mais il y est également beaucoup plus long d'y pratiquer un trajet canalaire. La création de la conicité coronaire à l'aide d'un instrument d'élargissement est un excellent moyen d'améliorer l'accès dans un canal calcifié. Les instruments rotatifs en nickel-titane peuvent être introduits sans danger dans la portion du canal calcifié où un trajet a été pratiqué avec une lime K de calibre 15 ou 20. La conicité coronaire ainsi formée permettra certainement à un plus grand volume de solution d'irrigation de pénétrer plus en profondeur dans le canal. En général, l'utilisation de petites limes manuelles (p. ex., limes K de calibre 6, 8 ou 10) permet d'avancer plus profondément dans le canal après avoir pratiqué un début d'élargissement canalaire dans la portion coronaire du canal. L'utilisation en alternance d'instruments rotatifs et manuels en irriguant constamment la chambre pulpaire de la dent peut accélérer la négociation jusqu'à l'apex. Les instruments rotatifs en nickel-titane PathFile (Dentsply Maillefer, Tulsa, OK) sont aujourd'hui offerts avec des embouts de 0,13 mm, 0,16 mm et 0,19 mm de diamètre et en conicité de 0,2 (2 %). Ces limes rotatives sont extrêmement souples et offrent une solution de rechange sans danger à l'instrumentation manuelle d'une voie canalaire après l'utilisation d'une lime K no 10 jusqu'à l'apex8.

Grâce à une meilleure compréhension des principes du nettoyage et de la mise en forme, lesquels sont basés sur la recherche scientifique et clinique, nous parviendrons à relever de mieux en mieux les défis mécaniques et biologiques liés à la prise en charge des canaux calcifiés.

 

Dre Mary Dabuleanu

Références

  1. Dabuleanu M. Managing calcified canal systems: audiovisual presentation. J Can Dent Assoc. 2010;76:a128.
  2. Khademi A, Yazdizadeh M, Feizianfard M. Determination of the minimum instrumentation size for penetration of irrigants to the apical third of root canal systems. J Endod. 2006;32(5):417-20. Epub 2006 Feb 7.
  3. Boutsioukis C, Lambrianidis T, Verhaagen B, Versluis M, Kastrinakis E, Wesselink P, et al L. The effect of needle-insertion depth on the irrigant flow in the root canal: evaluation using an unsteady computational fluid dynamics model. J Endod. 2010;36 (10):1664-8. Epub 2010 Aug 17.
  4. Giardino L, Ambu E, Savoldi E, Rimondini R, Cassanelli C, Debbia EA. Comparative evaluation of antimicrobial efficacy of sodium hypochlorite, MTAD, and Tetraclean against Enterococcus faecalis biofilm. J Endod. 2007;33(7):852-5. Epub 2007 Apr 2.
  5. Heilborn C, Reynolds K, Johnson JD, Cohenca N. Cleaning efficacy of an apical negative-pressure irrigation system at different exposure times. Quintessence Int. 2010;41(9):759-67.
  6. Jiang LM, Verhaagen B, Versluis M, Zangrillo C, Cuckovic D, van der Sluis LW. An evaluation of the effect of pulsed ultrasound on the cleaning efficacy of passive ultrasonic irrigation. J Endod. 2010;36(11):1887-91. Epub 2010 Sep 19.
  7. Pasqualini D, Cuffini AM, Scotti N, Mandras N, Scalas D, Pera F, et al. Comparative evaluation of the antimicrobial efficacy of a 5% sodium hypochlorite subsonic-activated solution. J Endod. 2010;36(8):1358-60. Epub 2010 May 13.
  8. Cantatore G, Berutti E, Castellucci A. The pathfiles: a new series of rotary nickel titanium instruments for mechanical pre-flaring and creating the glide path. Oral Health. 2010;100(10):66-8, 71-2, 74, 76, 78-80.