Sommaire
L’élévation du plancher sinusal est une technique couramment utilisée lorsque la résorption de l’os alvéolaire a entraîné une perte de hauteur osseuse et que celle-ci est devenue insuffisante pour la mise en place d’implants dentaires. L’élévation sinusale par voie latérale est choisie lorsque le déficit osseux est important. Bien que cette technique présente un haut taux de succès, elle n’est pas sans problèmes sur le plan chirurgical. Les auteurs décrivent l’anatomie du sinus maxillaire et des techniques d’augmentation par voie latérale, puis examinent les diverses difficultés et complications qui peuvent survenir ainsi que les traitements pour y remédier.
En dentisterie, il est fréquent de remplacer une dent unique par un implant chez les patients pour qui cette pratique est indiquée. Les implants dentaires donnent en effet des résultats très prévisibles et leur mise en place ne requiert souvent aucune chirurgie complémentaire. Il arrive cependant qu’un déficit osseux empêche la pose d’un implant. De fait, la dimension verticale de l’os est souvent déficiente dans la partie postérieure du maxillaire supérieur, en raison de l’étroite proximité du sinus maxillaire avec les racines des prémolaires et des molaires.
Anatomie du sinus maxillaire
Le sinus maxillaire est une cavité pyramidale située dans le corps du maxillaire supérieur, le long des parois nasales. Il est limité au-dessus par le plancher orbitaire et en dessous par le processus alvéolaire. Les sinus maxillaires s’écoulent dans les cavités nasales par des orifices situés dans le méat moyen sur les parois internes des sinus. Ils sont tapissés d’une mince couche mucopériostée (habituellement moins de 1 mm), désignée membrane de Schneider, et ont un volume d’environ 12 à 15 mL. Ils sont irrigués et innervés, respectivement par des branches de l’artère maxillaire et du nerf maxillaire supérieur.
Comme la partie inférieure du sinus est située très près des dents supérieures postérieures, l’extraction de ces dents peut causer la pneumatisation du sinus maxillaire dans l’os alvéolaire et la résorption de la crête alvéolaire adjacente, ce qui compromet souvent la pose d’implants.
Techniques d’augmentation osseuse
Une technique d’augmentation osseuse, qui consiste à pratiquer une ouverture dans la paroi latérale du sinus, a été publiée pour la première fois en 19801. Cette technique permet d’avoir accès à la paroi latérale du sinus en élevant un lambeau mucopériosté pleine épaisseur à partir de la crête alvéolaire, au moyen d’incisions verticales de relâchement. Les fraises chirurgicales à haute vitesse étaient jusqu’ici habituellement utilisées pour pratiquer l’ouverture dans la paroi latérale du sinus et ainsi accéder à la membrane de Schneider, mais l’utilisation d’appareils piézoélectriques a récemment été recommandée pour réduire le risque de perforation de la membrane. Lorsque l’accès est pratiqué, des curettes sont utilisées pour détacher avec soin la membrane des structures osseuses adjacentes dans les trois dimensions, puis la greffe osseuse est mise en place dans l’espace ainsi créé. La pose des implants peut se faire au même moment ou après la guérison de la greffe. Une autre technique d’élévation, celle-ci par voie crestale à l’aide d’ostéotomes, a été décrite par Summers2, et de nombreuses variantes de cette technique ont depuis été proposées.
Selon un examen consensuel de 85 études, les implants mis en place dans des tissus osseux greffés dans cette zone sont hautement efficaces, leur taux de survie variant de 88,6 % à 100 % (moyenne : 97,7 %; médiane : 98,8 %)3. Les tissus utilisés pour l’augmentation sinusale proviennent de sources variées, notamment d’autogreffes, d’allogreffes humaines et de xénogreffes osseuses d’origine bovine. Des taux de succès comparables ont été observés avec ces diverses sources de greffons, utilisées seules ou en association4,5. En revanche, le temps de guérison peut varier en fonction du type de greffons, les greffes autogènes guérissant plus rapidement que les greffes allogènes6,7. De plus, bien que certaines études présentent des résultats contradictoires quant au taux de survie obtenu, selon qu’on utilise ou non une membrane comme barrière au-dessus de la fenêtre latérale pratiquée dans le sinus, un article de synthèse fait état de taux de survie comparables – avec ou sans membrane – lorsqu’on exclut les études avec implants à surface lisse4.
Il existe une variété de techniques pour l’augmentation du processus alvéolaire dans cette région, mais la technique d’augmentation originale par fenêtre latérale est fortement recommandée lorsque le déficit osseux est inférieur à 6 mm en hauteur8. Cette technique donne des résultats prévisibles lorsque la croissance verticale est supérieure à 4 mm; elle présente toutefois des difficultés sur le plan chirurgical, et elle comporte des risques et donne lieu à des complications. Nous discutons dans cet article de certains de ces risques et complications et proposons des mesures pour y remédier.
Choix des patients
Une évaluation préalable minutieuse doit être faite des candidats devant subir une élévation du plancher sinusal pour s’assurer que la procédure est indiquée. Cette première évaluation doit notamment prévoir un examen approfondi des antécédents médicaux, sociaux et dentaires du patient. Les patients qui prennent des médicaments ou qui sont atteints de troubles médicaux qui augmentent le risque d’effets indésirables peropératoires ou postopératoires (c.-à-d. diabète ou problème cardiaque non maîtrisé, troubles de saignement, abus d’alcool ou d’autres drogues) ne sont pas de bons candidats. Le tabagisme est également un facteur de risque de l’échec de l’implant, mais ne constitue pas une contre-indication directe. Les fumeurs qui ne veulent pas cesser de fumer doivent être informés de ce risque accru d’échec.
Variations anatomiques
Il est recommandé d’utiliser la tomographie avant de procéder à l’élévation sinusale, afin d’évaluer divers facteurs liés aux sinus, notamment la présence de cloisons, l’épaisseur des parois latérales, les ondulations à partir des racines des dents supérieures, l’inégalité du plancher, les altérations dans la muqueuse et les variations dans les dimensions de la cavité.
Une paroi latérale épaisse (ill. 1) peut rendre l’accès à la membrane de Schneider difficile.
L’inégalité du plancher sinusal (ill. 2), la présence de racines de molaires ou de prémolaires ou une paroi antérieure étroite (ill. 3) peuvent faire en sorte qu’il soit difficile d’élever la membrane. Des ostéotomies distinctes pratiquées de chaque côté de la cloison permettent souvent de régler le problème des cloisons sinusales (ill. 4 à 6).
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Problèmes préopératoires
Si un pseudokyste antral (ill. 7 et 8) est présent dans la région où doit être pratiquée l’augmentation osseuse, il peut être complètement drainé après l’ostéotomie, avant l’élévation de la membrane et la mise en place de la greffe. Les patients qui présentent des pseudokystes plus gros ou plus généralisés devraient être dirigés vers un otorhinolaryngologiste pour être évalués avant d’envisager une procédure d’augmentation.
La tomographie préopératoire peut révéler la présence d’infections des sinus et leur étendue (ill. 9 et 10). Selon des rapports, des facteurs dentaires seraient la cause de la sinusite aigüe dans au moins 10 % des cas9. Si l’infection est d’origine dentaire, il importe d’éliminer la source de l’infection et d’administrer une antibiothérapie, conformément aux recommandations pour la pratique clinique de l’American Academy of Otolaryngology pour le traitement de la sinusite chez l’adulte10. Les patients atteints de sinusite aigüe ou chronique qui n’est pas d’origine dentaire devraient être dirigés vers un professionnel médical compétent pour évaluation et traitement avant l’augmentation sinusale.
Saignement peropératoire et postopératoire
Il est rare que l’élévation des sinus provoque une hémorragie importante, car les vaisseaux sanguins qui irriguent cette région sont des branches terminales de vaisseaux périphériques11. Il est toutefois possible que des branches de l’artère alvéolaire supérieure et postérieure – une branche de l’artère maxillaire – traversent la zone où est pratiquée la fenêtre des sinus11 (ill. 11 et 12) et donc que ces vaisseaux soient perforés.
La mise en place de la greffe osseuse peut aider à maîtriser le saignement peropératoire, en exerçant une pression sur la plaie. Cependant, les saignements importants peuvent être difficiles à maîtriser, car ils peuvent entraîner l’élimination de particules de greffe osseuse. Si un vaisseau se trouve dans la paroi latérale de l’os, une lésion par écrasement du vaisseau peut arrêter le saignement.
Le saignement postopératoire peut parfois se manifester sous la forme d’un saignement de nez. Les patients doivent être informés de cette possibilité et savoir qu’ils doivent éviter de se moucher pendant au moins cinq jours après l’intervention. Les saignements postopératoires à partir du champ opératoire sont rares et peuvent être évités en pratiquant une suture primaire adéquate et complète.
Perforation de la membrane de Schneider
Les perforations de la membrane de Schneider sont relativement fréquentes. Une tomographique volumique à faisceau conique devrait être réalisée au préalable pour évaluer les variations anatomiques, notamment pour déterminer si la membrane est très mince ou si les sinus présentent une anatomie complexe (c.-à-d. sinus étroits et profonds ou plancher ondulant), ce qui peut accroître le risque de perforation. La membrane peut également être perforée durant la préparation de l’ostéotomie ou l’élévation de la membrane. On peut toutefois réduire au minimum le risque de perforation durant la préparation en procédant avec soin durant l’utilisation de la fraise à haute vitesse ou de l’appareil piézoélectrique.
S’il y a perforation, il est important de tenter d’élever la membrane autour de la perforation, en élargissant au besoin le site de l’ostéotomie. Ceci peut toutefois être impossible si la perforation est importante. Les petites perforations peuvent être réparées en plaçant une membrane de collagène résorbable au-dessus de la zone perforée, après l’élévation de la membrane et avant la mise en place de la greffe osseuse (ill. 13 à 19). Les perforations plus grosses sont plus fréquentes dans les zones où l’anatomie est complexe et elles sont plus difficiles à traiter. On les répare habituellement au moyen de membranes résorbables plus grosses qui sont fixées à la partie supérieure de la fenêtre d’ostéotomie à l’aide de broches osseuses, avant l’augmentation osseuse.
Œdème et hématome postopératoires
Après une augmentation sinusale par voie latérale, il est fréquent d’observer une tuméfaction marquée et la formation d’un hématome dans la joue et sous les yeux. Afin d’éviter une tuméfaction importante, un stéroïde peut être utilisé et l’administration d’un anti-inflammatoire non stéroïdien est fortement recommandée. Les patients qui présentent ces problèmes doivent être suivis de près.
Infections postopératoires
Les infections postopératoires consécutives à l’élévation des sinus sont relativement rares, survenant dans environ 2 % des cas12. L’administration d’antibiotiques appropriés, avant et après l’intervention, est pratique courante et peut réduire le risque d’infection. L’association amoxicilline-acide clavulanique ou un macrolide sont des choix appropriés.
S’il y a infection postopératoire, le choix de l’antibiotique devrait se faire conformément aux recommandations pour la pratique clinique de l’American Academy of Otolaryngology10 pour le traitement de la sinusite chez l’adulte. Si l’antibiothérapie n’est pas efficace, une incision avec drainage devrait être pratiquée. Si l’infection persiste, il faut alors élever un lambeau mucopériosté, puis retirer la greffe et bien irriguer le champ opératoire.
Conclusion
La mise en place d’un implant dans un maxillaire supérieur postérieur avec déficit osseux est un traitement hautement prévisible, en raison du taux élevé de succès des techniques d’augmentation sinusale. Le taux de survie des implants se compare aux taux obtenus avec des implants mis en place dans un os maxillaire non augmenté5. Ces cas peuvent toutefois présenter des difficultés sur le plan chirurgical. Le choix approprié des patients, une bonne planification du traitement à l’aide de la tomographie, ainsi qu’une parfaite connaissance de l’anatomie de cette région peuvent réduire le risque de complications. Le chirurgien devrait également connaître les risques associés aux diverses complications peropératoires et postopératoires pouvant survenir et les moyens de les traiter.
LES AUTEURS
Références
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