Prise en charge d'une greffe de gencive ayant échoué ou d'une perte de greffon

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Note de l'auteure : En tant que parodontistes, nous réalisons régulièrement des greffes de gencive. Il  arrive à l'occasion après une telle procédure qu'un patient se trouve vers son dentiste généraliste pour répondre à des questions touchant le site opératoire. Les dentistes de famille sont aussi impliqués dans les soins de suivi et parfois dans les premières étapes de la guérison. Cet article s'adresse aux dentistes généralistes afin de les guider dans la réponse des préoccupations que pourraient avoir certains patients lors des visites de suivi.

Tableau clinique

Population

  • Individus ayant récemment reçu une greffe de gencive
  • Risque plus élevé chez les patients immunodéprimés et ceux présentant un retard de guérion

Signes

  • Pansement chirurgical délogé ou retiré
  • Rougeur du site opératoire (site receveur) ou formation d'une escarre
  • Tissus vestibulaires avoisinants semblant parfois nécrosés
  • Exposition radiculaire persistante

Symptômes

  • Le patient pourrait éprouver de la douleur et la décrire comme étant diffuse et constante ou comme étant exacerbée par la mastication ou la parole (mouvements des tissus buccaux et péribuccaux).
  • Le patient peut ressentir de l'angoisse quant à la procédure réalisée ou douter de son succès.

Investigation

  1. Réaliser des examens extra-buccal (tête et cou) et intra-buccal (dents et tissus mous) complets afin d'exclure le diagnostic d'infection postopératoire. La présence de douleur postopératoire, de contusions, de tuméfactions ou même d'infection ne signifie pas qu'il y a eu échec de la greffe ou perte du greffon.
  2. Examiner le site opératoire.
    • Y a-t-il tissu sur le pansement parodontal?
    • Y a-t-il traumatisme au site de la douleur?
    • Y a-t-il de nouveaux tissus recouvrant le périoste, apicalement par rapport à la dent ou aux dents ayant reçu le greffon?
  3. Confirmer le type de greffe réalisée.
    • Une greffe de gencive libre (GGL) est réalisée dans le but d'étendre la zone de gencive attachée.
    • Une greffe de tissus conjonctifs (GTC) est réalisée à la fois dans le but d'étendre la zone de gencive attachée et de recouvrir la surface préalablement radiculaire exposée.

Diagnostic

Infection

  • Enflure localisée importante des tissus faciaux et du site intra-buccal avoisinant le site opératoire
  • Lymphadénopathie localisée
  • Présence de pus ou d'exsudat au site receveur (peut être libéré par une pression délicate)

Site opératoire

  • On peut parfois noter du tissu sur le pansement délogé ou retiré. Dans plusieurs cas, il pourrait ne s'agir que de l'épithélium qui se décolle et  du reste du tissu conjonctif qui pourrait toujours être attaché au site receveur (ill. 1, 2 et 3).
  • La majorité des greffes peuvent résister à des traumatismes mineurs. Les traumatismes importants (p. ex. coup au visage, blessure du site avec un ustensile ou une brosse à dents) pourraient entraîner la nécrose du greffon, particulièrement s'ils surviennent dans les 24 à 48 heures suivant la procédure.
  • Des signes cliniques de tissu mou recouvrant le périoste sont indicatifs de la survie du greffon, même lorsque l'exposition de la racine persiste.

NOTE : Cliquer pour agrandir les images.

Ill.  1 : Guérison normale après une greffe de gencive libre. Noter la couleur blanchâtre que le patient pourrait interpréter comme une perte de greffon. (Photo reproduite avec l'aimable autorisation du Dr Peter Halford)



Ill.  2 : Guérison normale 7 jours après une greffe de gencive libre. Les zones blanchâtres indiquent un décollement de l'épithélium. (Photo reproduite avec l'aimable autorisation du Dr Peter Halford)

Ill.  3 : Guérison normale 7 jours après une greffe de gencive libre. Il est normal d'observer un tissu blanchâtre, signe de décollement épithélial. On note encore une surface radiculaire exposée, puisque l'objectif de la greffe de gencive libre est d'obtenir davantage de gencive kératinisée.




Type de greffe

  • GGL réussie : la surface radiculaire encore visible, mais on observe également du tissu  de guérison apicalement  à la racine exposée (ill. 4 et 5).
  • GTC réussie : du tissu recouvre la racine préalablement exposée (ill. 6  et 7).

Ill.  4 : Site receveur d'une greffe de gencive libre guéri 6 semaines après la procédure. Guérison réussie, bien qu'il y ait encore exposition radiculaire.

Ill.  5 : Trois mois après la procédure, on note  une exposition radiculaire toujours présente ainsi que la présence de tissu kératinisé. Ceci est indicatif une greffe de gencive libre réussie.



Ill. 6 : Récession gingivale avant la greffe de tissu conjonctif.

Ill. 7 : Guérison du site receveur d'une greffe de gencive 3 mois après la procédure.




Traitement

Traitements initiaux courants

Stade précoce (moins de 14 jours suivant la procédure)

  • Rassurer le patient.
  • Prescrire un antibiotique s'il y a infection : une prescription de 500 mg d'amoxicilline, 3 fois par jour pendant 3 jours, suffit normalement. Vérifier si cet antibiotique a déjà été prescrit au patient. Le cas échéant, envisager prescrire un autre antibiotique.
  • Prise en charge de la douleur : Prescrire un anti-inflammatoire (400 à 600 mg d'ibuprofène, 3 ou 4 fois par jour pendant 4 ou 5 jours) ou des comprimés d'acétaminophène avec codéine et caféine (1 comprimé au besoin aux 4 à 6 heures pendant 3 ou 4 jours).
  • Conseiller au patient d'opter pour un brossage léger du site ou de ne pas le brosser.
  • Débuter ou continuer l'utilisation d'un rince-bouche antibactérien durant 7 à 10 jours (chlorhexidine 0,12 %).
  • Au besoin, discuter avec un parodontiste de vos préoccupations et de celles du patient.
  • Assurer un suivi dans 21 à 28 jours.

Stade tardifs (4 à 6 semaines suivant la procédure)

  1. GTC : évaluer le recouvrement radiculaire (un recouvrement partiel de la surface radiculaire exposée pourrait être observé).
  2. GGL et GTC : mesurer l'étendue de la zone de gencive kératinisée.
  3. S'il n'y a aucune indication de recouvrement radiculaire (GTC) ou de gencive kératinisée (GGL), il pourrait être nécessaire de traiter de nouveau. Le cas échéant, contacter un parodontiste. Le parodontiste ou le chirurgien déterminera alors si la greffe a été un succès ou un échec. Des échecs se produisent dans moins de 2 % des cas.

L'auteure

 

La Dre Logue est professeure adjointe au Département des sciences dentaires cliniques de la faculté de médecine dentaire de l'Université Dalhousie. Elle exerce également la parodontie en cabinet privé à Darthmouth, en Nouvelle-Écosse.

Écrire à : Dr. Terrie Logue, 190 Victoria Road, Suite 104, Dartmouth, NS, Canada, B3A 1W2. Courriel : tlogue@vrperio.ca

L'auteure n'a aucun intérêt financier déclaré.

Cet article a été révisé par des pairs.

Galerie de toutes les illustrations contenues dans l'article.
 

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