Le vertige n'est habituellement pas le type d'affection qui préoccupe les dentistes; pourtant, il est probable que la plupart d'entre eux l'aient observé chez certains de leurs patients.
Récemment, une femme de 66 ans – que nous appellerons Marie – a été dirigée vers mon cabinet pour des vertiges qu'elle a ressentis pour la première fois durant une visite semestrielle chez le dentiste. Alors que Marie s'allongeait dans le fauteuil d'examen et tournait la tête en direction de l'assistante, tout s'est mis à tourner autour d'elle. Marie dit avoir eu l'impression de perdre le contrôle pendant plusieurs secondes, avant que sa vision ne se rétablisse. Marie a été prise de nausées; elle était bouleversée, car elle ne savait pas ce qui s'était passé. Au cours de la journée, les épisodes se sont répétés à plusieurs reprises, chaque fois que Marie faisait certains mouvements. Marie s'est par la suite rendue à la salle d'urgence pour subir des examens plus poussés, car elle craignait d'être victime d'un accident vasculaire cérébral.
L'urgentologue a diagnostiqué chez Marie la forme la plus répandue de vertige lié à l'oreille interne – le vertige positionnel paroxystique bénin (VPPB). Marie a alors appris que près d'une personne sur 10 âgée de plus de 60 ans est atteinte de VPPB. Elle a aussi appris que le VPPB se caractérise par de brefs épisodes de vertige rotatoire qui peuvent être provoqués par un changement de position, par exemple se retourner dans son lit ou s'allonger rapidement – même dans un fauteuil dentaire.
Le VPPB est causé par le déplacement de petits cristaux de calcium (otolithes), qui sont présents normalement mais qui se retrouvent dans la mauvaise partie de l'oreille interne, en l'occurrence le canal semi-circulaire postérieur (ill. 1)1. Plusieurs causes peuvent être à l'origine du détachement et de la migration de ces cristaux, notamment les changements dans l'oreille interne qui surviennent avec l'âge, une infection de l'oreille interne ou un traumatisme crânien. Lorsqu'une personne atteinte de VPPB fait certains mouvements ou s'allonge rapidement, ces cristaux se déplacent et causent des vertiges.
Un diagnostic précis de VPPB peut être posé non seulement à partir des symptômes caractéristiques (vertige rotatoire; symptômes de courte durée [5 à 30 s]; symptômes déclenchés par la position [s'allonger en tournant la tête sur le côté]) de cet état, mais aussi de certains signes précis qui se manifestent durant un épisode de vertige (nystagmus de torsion avec légers battements vers le haut [torsion rythmée des yeux]; période de latence maximale de 10 s avant l'apparition des signes ou symptômes). Des mouvements oculaires brefs et saccadés, désignés nystagmus, peuvent être observés durant la phase la plus intense des vertiges ressentis par le patient. Les yeux bougent littéralement de façon rythmée et font en sorte qu'il est difficile pour les patients de voir durant un épisode.
Gestion
Un traitement inhabituel du VPPB a récemment été mis au point. Ce traitement consiste à bouger la tête et le corps du patient d'une manière précise, dans le but de repousser les cristaux de calcium déplacés vers la partie de l'oreille interne où ils ne pourront plus causer de vertige. Cette manoeuvre d'Epley ou manoeuvre de repositionnement des particules, décrite en 1992, est devenue la référence en matière de traitement du VPPB2 et la plupart des neurologues ou oto-rhino-laryngologistes la pratiquent régulièrement avec succès3.
Cependant, le VPPB est une affection chronique et des récidives s'observent chez jusqu'à 50 % des patients, même après un traitement efficace4. À cause de ces récidives fréquentes, le traitement à domicile est devenu une option pratique5,6. Un nouveau dispositif médical du nom de DizzyFIX (Clearwater Clinical Limited, Calgary. AB; www.dizzyfix.com) est aujourd'hui approuvé au Canada et aux États-Unis (ill. 2)7,8. Cet appareil guide le patient atteint de VPPB dans l'exécution de la manœuvre de repositionnement des particules afin d'en assurer le succès. D'autres options s'offrent également pour le traitement du VPPB récidivant, notamment les visites répétées chez le médecin, la physiothérapie vestibulaire ou, dans de rares cas, la chirurgie.
Conclusion
Le VPPB est devenu une affection beaucoup plus répandue sous l'effet du vieillissement de la population. Tous les professionnels de la santé devraient être en mesure de reconnaître cette maladie débilitante et, s'il y a lieu, de traiter les patients ou de les diriger vers les ressources compétentes. Si un patient a des vertiges dans le fauteuil dentaire, il y a de bonnes chances qu'il s'agisse de VPPB.
L'AUTEUR
Références
- Parnes LS, McClure JA. Free-floating endolymph particles: a new operative finding during posterior semicircular canal occlusion. Laryngoscope. 1992;102(9):988-92.
- Epley JM. The canalith repositioning procedure: for treatment of benign paroxysmal positional vertigo. Otolaryngol Head Neck Surg. 1992;107(3):399-404.
- Gámiz MJ, Lopez-Escamez JA. Health-related quality of life in patients over sixty years old with benign paroxysmal positional vertigo. Gerontology. 2004;50(2):82-6.
- Nunez RA, Cass SP, Furman JM. Short- and long-term outcomes of canalith repositioning for benign paroxysmal positional vertigo. Otolaryngol Head Neck Surg. 2000;122(5):647-52.
- Furman JM, Hain TC. “Do try this at home”: self-treatment of BPPV. Neurology. 2004;63(1):8-9.
- Radtke A, von Brevern M, Tiel-Wilck K, Mainz-Perchalla A, Neuhauser H, Lempert T. Self-treatment of benign paroxysmal positional vertigo: Semont maneuver vs Epley procedure. Neurology. 2004;63(1):150-2.
- Bromwich MA, Parnes LS. The DizzyFix: initial results of a new dynamic visual device for the home treatment of benign paroxysmal positional vertigo. J Otolaryngol Head Neck Surg. 2008;37(3):380-7.
- Beyea JA, Wong E, Bromwich M, Weston WW, Fung K. Evaluation of a particle repositioning maneuver Web-based teaching module. Laryngoscope. 2008;118(1):175-80.