Le modèle traditionnel de relation médecin-patient est remis en question. Cette relation est généralement asymétrique sur le plan de l'autorité : le médecin pose des questions au patient et le médecin décide en général du traitement. Comme on s'attend à ce que le patient suive les directives qui lui sont prescrites, la communication entre celui-ci et le médecin est plutôt unidirectionnelle et porte principalement sur la maladie ou la condition à soigner1.
Au cours des dernières décennies, ce modèle paternaliste a fait l'objet de critiques tant de la part des professionnels de la santé que des patients. Les professionnels sont d'avis que ce modèle traditionnel n'est pas efficace puisque les patients ne suivent pas nécessairement les consignes, surtout dans les cas de la prévention ou du traitement des maladies chroniques. Les patients participent maintenant beaucoup plus activement aux décisions concernant leur traitement et sont beaucoup plus susceptibles d'exprimer leurs besoins et leurs opinions à leurs fournisseurs de soins de santé. Le rôle accru du patient a mené à une relation plus équilibrée entre le médecin et le patient.
Le passage à une approche clinique axée sur le patient
Des approches cliniques axées sur le patient ont récemment vu le jour, en réaction en partie aux critiques à l'égard du paternalisme en médecine. Ces nouveaux modèles se trouvent maintenant au cœur de plusieurs programmes de médecine au Canada. Certains ont demandé leur mise en œuvre dans les écoles de médecine dentaire2. La recherche a montré les avantages de l'approche centrée sur le patient pour ce qui est notamment de la satisfaction du patient et de son adhésion au traitement, de la satisfaction du médecin et des résultats de santé3.
Une méthode clinique axée sur le patient mise au point au Canada par Stewart et ses collaborateurs4 comprend 6 composantes interactives. Cette méthode propose que le médecin se penche non seulement sur la maladie, mais aussi sur la façon unique dont le patient vit cette maladie. Par exemple, un fournisseur de soins doit tenter de comprendre la façon dont le patient lui-même perçoit ses symptômes et définit son problème médical. Ainsi, le médecin doit s'efforcer d'évaluer et de comprendre le patient dans son ensemble, non seulement du point de vue de la maladie. Il est possible d'y arriver si l'on s'attarde aux multiples facettes de la vie d'un patient, y compris sa situation culturelle, familiale, professionnelle et sociale. Enfin, le médecin et le patient peuvent essayer de définir ensemble la nature du problème, le plan de traitement et le rôle respectif de chacun.
Une approche centrée sur le patient en médecine dentaire
Des dentistes ont élaboré une approche clinique axée sur le patient en pratiquant la médecine dentaire dans les quartiers défavorisés de Montréal5. Les chercheurs tentaient de déterminer les compétences et attitudes nécessaires qui aideraient les professionnels de la santé buccodentaires à répondre aux besoins des personnes vivant dans la pauvreté. Ils ont mené des entrevues semi-structurées auprès de 8 dentistes exerçant dans des collectivités défavorisées de Montréal. À partir de leurs propres années d'expérience et de ces entrevues, les chercheurs ont élaboré une méthode clinique axée sur le patient comportant 5 facettes (tableau 1). Les résultats de cette étude montrent qu'une approche «socio-humaniste» originale peut arriver à bout des difficultés rencontrées par les dentistes soignant des personnes démunies et contribuer à répondre aux besoins de cette population.
Tableau 1 Cinq facettes de la méthode clinique mise au point par des dentistes de Montréal5
Facette | Définition |
Comprendre le contexte social du patient | Être ouvert et s'intéresser aux conditions de vie du patient, à son contexte social et culturel, ainsi qu'à l'incidence de sa situation sur ses besoins et ses attentes. |
Accorder du temps au patient et faire preuve d'empathie à son égard | Prendre le temps de parler au patient pour bien le comprendre et pour améliorer la relation clinique. |
Éviter les attitudes moralisatrices | Ne pas jeter le blâme sur le patient, et accepter de faire des compromis pour trouver un terrain d'entente. |
Surmonter la distance sociale | Adopter une attitude humaniste dans les interactions avec un patient défavorisé. |
Favoriser le contact direct avec les patients | Nouer des liens directs et chaleureux avec le patient pour créer une alliance thérapeutique fondée sur la confiance et le respect. |
Conclusion
Les méthodes cliniques axées sur le patient peuvent aider les dentistes à interagir avec leurs patients, surtout ceux issus de milieux sociaux et culturels différents. Elles peuvent aussi améliorer l'adhésion d'un patient à son traitement et contribuer à améliorer les comportements liés à la santé, comme l'hygiène buccodentaire et l'alimentation. Bien que ces méthodes axées sur le patient soient efficaces, elles poseront sans doute des défis aux dentistes, qui devront parfaire leurs aptitudes à la communication et leurs connaissances.
LES AUTEURS
Références
- Freeman R. A psychodynamic understanding of the dentist-patient interaction. Br Dent J. 1999;186(10):503-6.
- Eriksen HM, Bergdahl J, Bergdahl M. A patient-centred approach to teaching and learning in dental student clinical practice. Eur J Dent Educ. 2008;12(3):170-5.
- Stewart M, Brown JB, Donner A, McWhinney IR, Oates J, Weston WW, et al. The impact of patient-centered care on outcomes. J Fam Pract. 2000;49(9):796-804.
- Stewart M, Brown JB, Weston WW, McWhinney IR, McWilliam CL, Freeman TR. Patient-centered medicine: transforming the clinical method. 2nd ed. Abingdon (UK): Radcliffe Medical Press; 2003.
- Loignon C, Allison P, Landry A, Richard L, Brodeur JM, Bedos C. Providing humanistic care: dentists' experiences in deprived areas. J Dent Res. 2010;89(9):991-5. Epub 2010 Jun 4.