La parodontite : un syndrome

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La parution du rapport Oral Health in America1 du directeur du Service de santé publique des États-Unis a fait croître l'intérêt entourant le lien éventuel entre, d'une part, la santé buccodentaire et, d'autre part, la santé globale et la maladie. De plus en plus d'éléments probants donnent à penser qu'il existerait un tel lien, surtout dans le cas de la parodontite et de l'état de santé global.

Toutefois, bien qu'il y ait de nombreuses études avançant un tel lien, dans certains cas elles ne sont pas assez exhaustives pour montrer une association définitive avec la parodontite. Dans cet esprit, nous avons entrepris récemment un recensement de la littérature2 où nous nous sommes concentrés sur les études présentant les données les plus probantes – examens systématiques et méta-analyses d'études par observation et d'essais contrôlés randomisés de la plus haute qualité – dans le but de cerner, avec exactitude, les troubles associés à la parodontite. Les données les plus probantes à ce jour semblent indiquer une association statistiquement significative, bien que modeste dans certains cas, entre la parodontite et les maladies cardiovasculaires (MCV), le diabète, les grossesses menant à une naissance prématurée ou à un nourrisson de faible poids et les maladies respiratoires. Vu cette association apparentée à un syndrome, nous proposons la création d'un nouveau terme ou concept, «le syndrome parodontal», pour décrire les interrelations entre la parodontite et d'autres troubles cliniques.

La maladie parodontale est-elle un syndrome?

Le terme «syndrome», dérivé du mot grec signifiant «réunion», renvoie à l'association de plusieurs manifestations et troubles cliniques reconnaissables de différentes maladies observées par un fournisseur de soins de santé (signes) ou rapportés par un patient (symptômes). Compte tenu de la simultanéité de ces phénomènes, la présence de l'un devrait alerter le fournisseur de soins de santé de la probabilité accrue que d'autres phénomènes soient aussi présents3.

Selon notre recensement de la littérature2, nous avançons que les MCV, le diabète, les issues défavorables d'une grossesse et les maladies respiratoires constituent des attestations de la présence d'un syndrome parodontal. Un syndrome ne signifie en rien une association de cause à effet entre les différents troubles, mais simplement que la présence de l'un des phénomènes du syndrome indique la probabilité, au-delà du hasard, des autres phénomènes. Ainsi, comme nous le verrons ci-dessous, quand un dentiste diagnostique une parodontite chez un patient, par exemple, il doit savoir que d'autres troubles pourraient être présents et conseiller à son patient de consulter un fournisseur de soins de santé le cas échéant, c'est-à-dire en présence de facteurs de risque accru comme l'obésité et le tabagisme.

Que signifie l'aspect de syndrome de la maladie parodontale pour les patients et les dentistes?

La parodontite est la première manifestation du syndrome parodontal. Un dentiste qui connaît ce syndrome et qui diagnostique une parodontite chez un patient sera au fait de la probabilité accrue que ce dernier développe d'autres troubles médicaux (décrits ci-dessous) ou que ceux-ci se voient exacerbés. Le clinicien doit savoir qu'un patient atteint d'une parodontite court un risque accru de présenter ou de développer 4 autres troubles décrits dans le recensement de la littérature accompagnant l'article2, à savoir les MCV, le diabète, les maladies respiratoires et les issues défavorables d'une grossesse. Ainsi renseigné, le clinicien peut conseiller au patient de se faire soigner ou, à tout le moins, de subir une évaluation médicale s'il ne l'a pas fait dans les 5 dernières années, surtout s'il présente d'autres facteurs de risque tels que l'obésité, le tabagisme et l'âge avancé.

Quels outils de dépistage les cliniciens peuvent-ils utiliser pour repérer le risque d'un syndrome accompagnant la maladie parodontale?

Une fois qu'un clinicien pose un diagnostic de parodontite, les outils les plus importants à sa disposition pour dépister d'autres troubles sont les antécédents médicaux du patient et son profil de risque. Dans de tels cas, le clinicien peut poser davantage de questions sur les antécédents médicaux. Par exemple, un clinicien qui traite un patient atteint d'une parodontite aigue et présentant une accumulation excessive de plaque pourrait lui demander s'il a contracté plusieurs pneumonies au cours des dernières années. Dans le même esprit, il pourrait lui poser davantage de questions liées au diabète, comme lui demander s'il a perdu ou gagné du poids, s'il a souvent soif et s'il urine souvent, surtout si le patient présente d'autres facteurs de risque tels que l'obésité ou un tour de taille important.

Vu la possible relation bidirectionnelle entre le diabète et la parodontite, un clinicien qui sait qu'un patient est diabétique doit vérifier auprès de ce dernier si sa maladie est bien prise en charge, surtout si sa parodontite s'est soudainement envenimée après avoir été stable pendant des années. La réponse du patient pourrait mener à la nécessité d'une évaluation médicale supplémentaire.

Que fera le clinicien de cette information?

  • Accroissement de la collaboration entre les professionnels de la santé : Si le syndrome parodontal est diagnostiqué, le clinicien pourrait conseiller au patient atteint d'une parodontite d'obtenir l'avis d'un médecin pour confirmer ou écarter l'existence de troubles associés. On s'attend à ce que la sensibilisation au syndrome parodontal accroisse la collaboration entre les divers professionnels de la santé (notamment entre la médecine et la dentisterie).

  • Incidence éventuelle sur la santé publique : De plus, la reconnaissance de ce syndrome serait utile en vue d'élaborer des stratégies en matière de santé publique, telles que le recours au dépistage oral de la parodontite comme indicateur de la nécessité de procéder à des examens supplémentaires pour évaluer la présence de troubles de la santé connexes chez divers groupes de la population. Le dépistage du syndrome parodontal pourrait ainsi permettre d'améliorer l'état de santé global, surtout chez les patients à risque de développer d'autres troubles, particulièrement si des vérifications supplémentaires découvrent d'autres maladies non buccodentaires ou non prises en charge (p. ex. diabète non pris en charge que l'on croyait pourtant pris en charge). Le fait de connaître ce syndrome pourrait éventuellement changer complètement la santé d'un patient.

Malgré l'association à d'autres maladies, le terme «syndrome parodontal» pourrait être perçu comme étant tendancieux vers l'analyse de l'état de santé d'un point de vue buccodentaire seulement. Pourtant, des études ont montré que les patients atteints d'arthrite (rhumatoïde ou arthrose) courent aussi un risque accru de développer une MCV4,5 ou la parodontite6,7. De même, il existe probablement un lien entre la maladie intestinale inflammatoire et la maladie cardiovasculaire8 ainsi que la parodontite9.

Ainsi, la véritable question semble avoir trait à la charge inflammatoire10 et à la façon dont elle prédispose les personnes atteintes d'une maladie inflammatoire à d'autres troubles du même genre. Il conviendrait sans doute davantage de faire référence au concept plus général de «syndrome inflammatoire» au lieu de syndrome parodontal (autrement, pourquoi pas au syndrome arthritique, par exemple?). Ainsi, les cliniciens de toutes les disciplines du secteur de la santé reconnaîtraient cet état et prendraient les mesures qui s'imposent, comme il est décrit ci-dessus pour le syndrome parodontal. Du point de vue de la santé buccodentaire, ce syndrome pourrait probablement porter le nom de «syndrome inflammatoire (parodontal)», ce qui permettrait aussi à d'autres disciplines de reconnaître le concept. Toutefois, pour établir complètement ce principe, il faut réaliser des méta-analyses et des examens systématiques portant sur les associations entre les autres maladies non buccodentaires, comme nous l'avons fait pour la parodontite.

LES AUTEURS

Le Dr Azarpazhooh est professeur adjoint à la Division de santé dentaire publique et d'endodontie de la Faculté de médecine dentaire de l'Université de Toronto, Toronto (Ontario).

Le Dr Tenenbaum est professeur à la Division de parodontologie de la Faculté de médecine dentaire de l'Université de Toronto, Toronto (Ontario).

Écrire au : Dr Amir Azarpazhooh, Faculté de médecine dentaire, Université de Toronto, Pièce 521A, 124, rue Edward, Toronto (Ontario)  M5G 1G6. Courriel : amir.azarpazhooh@dentistry.utoronto.ca

Les opinions exprimées sont celles des auteurs et de reflètent pas nécessairement les opinions ou les politiques officielles de l'Association dentaire canadienne.

Cet article a été revu par des pairs.

Références

  1. US Department of Health and Human Services. Oral health in America: a report of the Surgeon General -- Executive summary. Rockville, MD: US Department of Health and Human Services, National Institute of Dental and Craniofacial Research, National Institutes of Health; 2000. Disponible à : www.nidcr.nih.gov/datastatistics/surgeongeneral/report/executivesummary.htm (consulté le 22 février 2012).
  2. Azarpazhooh A, Tenenbaum HC. Separating fact from fiction: use of high-level evidence from meta-analyses and systematic reviews to identify diseases and disorders associated with periodontal disease. J Can Dent Assoc. 2012;78:c25_f.
  3. National Cancer Institute. Dictionary of cancer terms. Bethesda, MD: National Cancer Institute. Disponible à : www.cancer.gov/dictionary (consulté le 22 février 2012).
  4. Snow MH, Mikuls TR. Rheumatoid arthritis and cardiovascular disease: the role of systemic inflammation and evolving strategies of prevention. Curr Opin Rheumatol. 2005;17(3):234-41.
  5. Singh G, Miller JD, Lee FH, Pettitt D, Russell MW. Prevalence of cardiovascular disease risk factors among US adults with self-reported osteoarthritis: data from the Third National Health and Nutrition Examination Survey. Am J Manag Care. 2002;8(15 Suppl):S383-91.
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  10. Jerrard-Dunne P, Sitzer M, Risley P, Buehler A, von Kegler S, Markus HS. Inflammatory gene load is associated with enhanced inflammation and early carotid atherosclerosis in smokers. Stroke. 2004;35(11):2438-43.