Les dentistes sont des professionnels bien formés. Cette formation nous a permis d'acquérir une qualité importante, qui enrichit notre vie professionnelle et personnelle, soit un sens aigu de la responsabilité sociale qui nous aide à comprendre qu'au sein de nos collectivités il y a des personnes qui, pour une raison ou une autre, n'ont pas les moyens de se payer des soins de santé buccodentaire ou ne peuvent y avoir accès. Cette qualité nous amène également à reconnaître que nous avons le devoir moral et professionnel d'aider les moins privilégiés de notre société.
À l'obtention de notre diplôme, beaucoup d'entre nous sont endettés et doivent assumer de nombreuses responsabilités. Nous n'avons qu'une chose en tête : ouvrir notre cabinet, fonder une famille et atteindre la stabilité financière. Néanmoins, certains dentistes trouvent quand même le moyen d'aider les personnes dans le besoin. Ils n'ont pas nécessairement le temps, mais possèdent les qualités humaines pour le faire. Ces personnes sont des héros pour moi; outre leurs compétences, leur réussite et leur dévouement, elles font preuve d'empathie et de générosité.
Peu importe comment nous vivons notre vie, il y a toujours un temps pour la réflexion et l'action. Si on a l'esprit ouvert et que l'on souhaite vivre des expériences nouvelles et différentes, le bénévolat est tout indiqué.
Mon expérience de bénévolat
J'ai le privilège d'avoir 4 merveilleux enfants qui, parce qu'ils sont nés au Canada, se verront offrir des possibilités d'épanouissement que les enfants nés dans des pays pauvres ne connaîtront jamais. Un enfant d'origine haïtienne ou guatémaltèque pourrait ne jamais avoir accès à des soins de santé, à de l'eau potable ou encore à l'éducation – des droits fondamentaux qui, chez nous, sont tenus pour acquis. C'est ce qui m'a fait réaliser combien ma famille et moi sommes privilégiés, et ce qui m'a incité à apporter mon aide.
Au cours des dernières années, j'ai eu la chance de diriger, sous l'égide de FTC Canada, le volet santé buccodentaire de missions qui sont envoyées dans certains pays d'Amérique centrale, ainsi qu'en Haïti. Pour les citoyens des collectivités où nous nous sommes rendus, dont beaucoup sont ravagées par les catastrophes naturelles ou la pauvreté, notre mode de vie est un rêve à jamais hors de portée.
Ma première expérience missionnaire au Guatemala a changé ma perception de la vie et du bénévolat pour toujours. Notre première excursion a commencé à l'aube par une longue randonnée poussiéreuse en autobus dans les montagnes volcaniques ceinturant Guatemala. Les 3 principaux volcans – Fuego, Agua et Pacaya – se dressent menaçants, crachant parfois du feu et des cendres sur la vallée. Le vieil autobus roule dans un grincement strident, soulevant la poussière alors que nous gravissons les collines de Palencia en route vers notre destination à 6000 pieds au-dessus du niveau de la mer.
Notre équipe, composée de 21 professionnels de la santé et employés de soutien, s'est unie à des dentistes et des médecins du Guatemala pour fournir des soins médicaux et dentaires à un certain nombre de collectivités. Nous traitons de 100 à 150 patients par jour pour des problèmes dentaires. Grâce à notre partenariat avec FTC, nous pouvons distribuer des aliments à chaque famille pour une durée de 6 semaines, ainsi que des vitamines, des chaussures, des vêtements, des jouets, des lunettes et des médicaments. Au Guatemala, l'école primaire est financée par le gouvernement jusqu'à la 6e année seulement, après quoi les frais scolaires deviennent inabordables pour beaucoup de familles. Quatre-vingts pour cent des familles vivent avec moins de 2 dollars par jour. Bon nombre de jeunes garçons abandonnent l'école à l'âge de 10 ou 11 ans. Notre interprète dresse le portrait d'un peuple déterminé : «Tout le monde ici doit travailler dur pour survivre. Si vous ne travaillez pas, vous mourez.» Les Guatémaltèques sont des gens fiers, qui se trouvent confrontés aux exigences d'une existence difficile. Ils n'ont ni éducation, ni soutien externe, et ils vivent dans une pauvreté permanente, avec une alimentation déficiente et des maladies infectieuses qu'ils n'ont pas les moyens de soigner.
Alors que nous échangeons des anecdotes avec les dentistes de la région, il nous paraît évident qu'au Guatemala, la dentisterie n'évolue pas au rythme des progrès mondiaux en matière de prévention, de techniques ou d'équipement. Dans la mesure du possible, nous leur transmettons nos stratégies préventives et leur prêtons nos instruments et notre équipement, et donnons aux praticiens locaux des conseils sur les techniques et protocoles modernes de stérilisation, le tout dans un effort visant à les aider avec la hausse fulgurante des maladies buccodentaires non traitées au sein de leur population.
Notre première patiente, Maria, est âgée de 18 ans et mère de 2 enfants. Maria s'approche du fauteuil dentaire, peu rassurée et tremblante de peur. Elle dévoile un sourire nerveux où 2 incisives centrales cassées et cariées viennent altérer ses jolis traits mayas. Nous apaisons ses craintes avec un calme rassurant et, dès que tout est terminé, elle se regarde dans un miroir et ses yeux rayonnent de joie à la vue de son nouveau sourire étincelant. Les larmes aux yeux, elle nous serre dans ses bras et nous remercie avec effusion en espagnol. Sortant sous le soleil, la tête haute, elle avait retrouvé son estime de soi.
Après elle, attendent des douzaines d'enfants et d'adultes aux dents ravagées par une mauvaise hygiène dentaire et une alimentation déficiente réduite aux tortillas et au cola. La charge de travail est parfois écrasante, mais la satisfaction qu'on en retire sur le plan émotif change toute une vie.
Bien qu'il faille procéder à des extractions et à des restaurations, nous devons également sensibiliser les patients à la prévention si nous souhaitons qu'ils jouissent un jour d'une santé buccodentaire durable. Je ne peux m'empêcher de penser au travail qu'ont accompli avec fierté et humilité nos collègues dentistes au début du siècle au Canada, ainsi qu'à la façon dont ils ont combattu la carie évolutive et la maladie parodontale grâce à leur dévouement, à leur vision et à leur engagement à atteindre l'excellence en matière de santé buccodentaire. Les Canadiens peuvent se vanter maintenant de posséder les meilleurs soins de santé buccodentaire au monde.
Les dentistes apportent vraiment une contribution importante
À l'instar des pionniers de notre profession, qui ont dirigé les changements il a des années, les bénévoles peuvent en faire autant aujourd'hui. Ils peuvent utiliser leurs connaissances et leurs compétences avec compassion, qu'il s'agisse de soigner les démunis ici même, chez eux, ou à l'étranger. Chaque geste bénévole fait partie d'un mouvement plus vaste, destiné à changer le monde pour le mieux. Nos compétences cliniques ne doivent pas être un aboutissement en soi, mais peuvent s'inscrire dans le tableau plus général de prestations de soins dentaires à l'échelle du village planétaire.
Le monde entier a un besoin incroyable de soins de santé buccodentaire, et notre profession offre des possibilités extraordinaires pour y répondre. En participant à des activités bénévoles, les dentistes peuvent changer les choses – et c'est ce qu'ils font.