Pleins feux sur la surveillance : Santé buccodentaire-santé systémique
En janvier 2008, la Faculté de médecine dentaire de l'Université du Manitoba a inauguré son Centre international de santé buccodentaire-santé systémique. Le Centre est fier de s'associer au JADC pour présenter des résumés des plus récents articles et des plus récentes découvertes dans le domaine de la santé buccodentaire et santé systémique qui pourraient avoir une incidence sur l'exercice de la dentisterie moderne.
La majorité des discussions sur le lien entre la santé buccodentaire et la santé systémique portent sur les liens entre des maladies inflammatoires chroniques et des effets négatifs précis sur la santé, par exemple l'aggravation d'une maladie ou du fardeau global de la maladie1, et consistent notamment à examiner la morbidité et la mortalité associées aux effets de synergie entre les maladies buccodentaires et systémiques. L'accroissement de la morbidité soulève notamment des questions liées à la qualité de vie. Or, la diminution de la qualité de vie est sans doute un effet aussi dévastateur que d'autres effets plus apparents de la maladie (c.-à-d. infarctus du myocarde, accident vasculaire cérébral, insuffisance rénale ou naissance prématurée), car elle se répercute sur les activités de la vie quotidienne et sur la capacité de la personne de profiter de la vie.
Les auteurs d'une étude récente se sont intéressés aux questions liées à la qualité de vie des patients atteints du syndrome de Sjögren2. Cette étude est importante, car elle examine les effets uniques de la santé buccodentaire et de l'intégrité de la fonction buccale sur des mesures plus générales de la santé et du bien-être, y compris les activités de la vie quotidienne et les rapports sociaux.
Le syndrome de Sjögren est une affection auto-immune chronique courante qui se caractérise par une sécheresse buccale et oculaire persistante. Les symptômes peuvent se limiter à des effets localisés sur les glandes salivaires et lacrymales mais ils peuvent aussi consister en une atteinte généralisée de multiples systèmes organiques3. Ce syndrome peut se manifester seul ou avec d'autres maladies rhumatismales (c.-à-d. lupus érythémateux aigu disséminé ou polyarthrite rhumatoïde) et il touche davantage les femmes que les hommes (le ratio femmes-hommes est de 9 pour 1). Le plus souvent, les symptômes apparaissent chez des personnes d'âge moyen. En plus de la sécheresse de la bouche et des yeux, les symptômes des patients peuvent inclure les suivants : fatigue extrême, myalgie, arthralgie et détresse psychologique.
L'hypoptyalisme et la sécheresse de la muqueuse buccale font en sorte que ces patients risquent fort d'avoir une mauvaise santé buccodentaire. Le maintien de la santé buccodentaire constitue donc un enjeu majeur pour cette population. Il peut également y avoir altération de la composition de la salive, ce qui augmente la sensibilité à la carie dentaire et aux maladies parodontales, accroît l'incidence de candidose et d'ulcérations buccales, altère la sensation gustative et complique le port de prothèses chez ces patients. Enfin, les patients ont souvent de la difficulté à mastiquer, à avaler et à parler, et leur xérostomie peut être une source de gêne et d'embarras durant des activités sociales.
Les auteurs d'une autre étude ont utilisé un outil d'enquête (Oral Health Impact Profile) pour évaluer la qualité de vie liée à la santé buccodentaire chez des patients atteints du syndrome de Sjögren4. Cet outil mesure des aspects de la qualité de vie qui sont directement liés à la santé buccodentaire et à la fonction dentaire, indépendamment des autres problèmes associés au syndrome de Sjögren. Il s'agit d'un puissant prédicteur de variables psychologiques autoévaluées comme la dépression, l'estime de soi et la satisfaction générale de vivre. Les résultats indiquent que la santé buccodentaire et la fonction buccale exercent une influence indépendante sur la qualité de vie globale de ces patients.
Les résultats de l'étude montrent que la xérostomie et l'hypoptyalisme ont des effets négatifs considérables sur les activités de la vie quotidienne et les rapports sociaux et que les maladies buccodentaires et une piètre fonction buccale peuvent avoir de graves conséquences sociales et psychologiques.
Ces résultats réaffirment le rôle crucial de l'équipe dentaire dans la prise en charge conjointe des patients qui présentent des maladies systémiques comme le syndrome de Sjögren. Il importe qu'une collaboration s'établisse entre dentistes et médecins afin de préserver la santé buccodentaire et la qualité de vie des patients atteints de ce syndrome. Le dentiste devrait communiquer efficacement avec l'équipe médicale (p. ex., médecin de soins primaires, rhumatologue et ophtalmologiste) et proposer des mesures énergiques pour régler les problèmes liés à la xérostomie et à l'hypoptyalisme.
La prise en charge buccodentaire par l'équipe dentaire devrait s'appuyer sur un plan de traitement personnalisé qui tient compte de la gravité du dysfonctionnement salivaire. Afin de réduire au minimum les problèmes buccodentaires comme la carie récidivante, les ulcérations buccales et la candidose, les cliniciens devraient recommander à leurs patients de subir tous les 4 mois un examen et une prophylaxie fondés sur un programme personnalisé d'utilisation de fluorure, et aussi de prendre des pastilles sans sucre et de la gomme à mâcher au xylitol pour stimuler le flux salivaire. L'équipe dentaire est très bien placée pour déceler les premiers signes et symptômes du syndrome de Sjögren et diriger les patients pour qu'ils subissent une évaluation médicale complète.
Références
- Iacopino AM. Relationship between periodontal disease and general health: role of inflammation. J Can Dent Assoc.2008;74(8):695-96.
- Stewart CM, Berg KM, Cha S and Reeves WH. Salivary dysfunction and quality of life in Sjögren syndrome: a critical oral-systemic connection. J Am Dent Assoc. 2008;139(3):291-99.
- Delaleu N, Jonsson R and Koller MM. Sjögren's syndrome. Eur J Oral Sci. 2005;113(2):101-13.
- Slade GD. Derivation and validation of a short-form oral health impact profile. Community Dent Oral Epidemiol. 1997;25(4):284-90.
Les opinions exprimées sont celles de l'auteur et ne réflètent pas nécessairement les vues et politiques officielles de l'Association dentaire canadienne.