En tant que consultant dentaire national à Anciens Combattants Canada, je m’étonne toujours du temps qu’il faut pour trouver des protocoles de traitement fondés sur des données probantes. Il faut chercher ces protocoles parce que les patients de notre programme sont admissibles à un remboursement seulement pour les traitements validés par la recherche scientifique.
Par exemple, je reçois souvent des demandes de remboursement pour le regarnissage ou la fabrication à neuf d’une prothèse dentaire avant l’expiration de l’intervalle prévu par notre programme. Très souvent, on justifie la demande d’ajustement par le fait que le «patient a perdu du poids».
J’ai toujours cru qu’il était peu probable qu’une perte de poids relativement petite (p. ex. : 5 kg) puisse altérer l’ajustement d’une prothèse partielle dento-portée ou encore d’une prothèse supportée par des tissus mous. Je crois aussi qu’à moins qu’il ne s’agisse d’une perte de poids importante (p. ex. : plus de 20 ou 25 kg), la répartition des cellules adipeuses, mais surtout l’emplacement d’origine de celles qui ont été perdues, écarterait la possibilité d’un grand changement des structures de soutien des prothèses. C’est comme si la taille de chaussures ou de chapeau d’une personne changeait après une perte de poids.
Pour aider à trouver une réponse définitive, j’ai demandé à l’Agence canadienne des médicaments et des technologies de la santé (ACMTS) s’il existait des données montrant la relation entre une perte de poids et l’ajustement d’une prothèse. L’ACMTS est un organisme à but non lucratif voué à l’évaluation de la recherche qu’utilise le gouvernement fédéral pour formuler des énoncés de position. Mes fonctions auprès d’Anciens Combattants Canada me donnent accès au Service d’information sur les technologies de la santé, qui effectue des études documentaires exhaustives à partir de critères précis pour déterminer la validité scientifique d’une recherche. Vu que l’ACMTS est un organisme indépendant, ses conclusions ne sont a priori pas biaisées.
Pour ma question clinique, l’ACMTS a effectué une recherche dans toutes les études publiées remontant jusqu’à 1999 par des sources dentaires et autres. Son rapport intitulé Denture Fit and Stability : Effect of Weight Loss (voir : www.cadth.ca/fr, Produits/Rapports d’examen rapide) n’a trouvé aucune donnée probante montrant que la perte de poids affecte l’ajustement et la stabilité d’une prothèse dentaire. Il est malheureux que peu de recherches aient été menées à ce sujet jusqu’à maintenant. Il serait utile qu’une étude porte en particulier sur ce sujet, surtout si l’on tient compte du nombre de denturologistes et de dentistes qui sont d’avis que la perte de poids affecte l’ajustement d’une prothèse.
Lors de discussions avec certains prosthodontistes, il est ressorti que cette fausse idée pouvait s’expliquer par le fait qu’un patient qui perd du poids perd aussi du liquide, et peut-être même une légère quantité de graisse, dans les joues. La prothèse lui semblerait alors plus petite ou moins ajustée, bien que l’intrados de la prothèse soit encore bien adapté à la crête. Le rapport de l’ACMTS confirme cependant qu’il n’y a aucune donnée convaincante montrant qu’il y a lieu de remplacer ou de regarnir une prothèse avant l’intervalle prévu parce qu’un patient a perdu du poids.