CTX comme biomarqueur de l’ONMB

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Dans l’article intitulé Emploi du télopeptide C-terminal réticulé comme biomarqueur de l’ostéonécrose de la mâchoire associée aux biphosphonates1, publié en version abrégée2 dans le numéro 4 du JADC, l’auteur présente un rapport de cas concernant le traitement d’un patient présentant un myélome multiple et ayant par le passé été traité par biphosphonates intraveineux.

Nous félicitons l’auteur pour le résultat obtenu et pour la qualité des illustrations fournies. Cependant, nous sommes en désaccord avec les conclusions de l’auteur à l’effet que « […] les patients qui présentent de faibles taux de CTX ne devraient pas systématiquement être classés comme des patients à haut risque […] »1. Comme mentionné dans l’introduction de l’article, l’utilisation du CTX pour l’évaluation du risque de présenter une ostéonécrose des mâchoires (ONM) est fortement controversée et aucune association professionnelle (p. ex. Association américaine des spécialistes en chirurgie buccale et maxillo-faciale, Association canadienne des spécialistes en chirurgie buccale et maxillo-faciale, Association des spécialistes en chirurgie buccale et maxillo-faciale du Québec) ne recommande l’utilisation de ce test pour stratifier le risque de développer cette complication3,4. Le cas présenté démontre un risque élevé étant donné les antécédents pharmacologiques du patient (prise de zolendronate à dose oncologique et de corticostéroïdes), indépendamment de la valeur du CTX. 

Aussi, l’auteur affirme que le patient a été traité en « […] se basant sur les recommandations formulées par le comité d’experts relativement aux patients traités avec des biphosphonates […] »1. Les recommandations citées par l’auteur font référence aux patients traités par des biphosphonates oraux et ne s’appliquent donc pas au cas présenté5.  Il existe par ailleurs des recommandations plus récentes6.  Il est hasardeux de formuler une opinion scientifique basée sur un rapport de cas, et ceci va à l’encontre du principe de la médecine fondée sur les faits.

Dr Carl Bouchard
Dr Michel Fortin
Québec (Québec)



Références

  1. Pasoff M. Emploi du télopeptide C-terminal reticule comme biomarqueur de l’ostéonécrose de la mâchoire associée aux bisphosphonates : examen de deux cas. J Can Dent Assoc 2013;79:d51.
  2. Pasoff M. Emploi du télopeptide C-terminal reticule comme biomarqueur de l’ostéonécrose de la mâchoire associée aux bisphosphonates (abrégé). J Can Dent Assoc 2013;79:229-31.
  3. Khan AA, Sandor GK, Dore E, Morrison AD, Alsahli M, Amin F, Canadian Association of Oral and Maxillofacial Surgeons, et al. Canadian consensus practice guidelines for bisphosphonate associated osteonecrosis of the jaw. J Rheumatol. 2008 Jul;35(7):1391-7.
  4. Ruggiero SL, Dodson TB, Assael LA, Landesberg R, Marx RE, Mehrotra B, American Association of Oral and Maxillofacial Surgeons. American Association of Oral and Maxillofacial Surgeons position paper on bisphosphonate-related osteonecrosis of the jaws-2009 update. J Oral Maxillofac Surg. 2009 May;67(5 Suppl):2-12.
  5. American Dental Association Council on Scientific Affairs. Dental management of patients receiving oral bisphosphonate therapy: expert panel recommendations. J Am Dent Assoc. 2006 Aug;137(8):1144-50.
  6. Edwards BJ, Hellstein JW, Jacobsen PL, Kaltman S, Mariotti A, Migliorati CA, American Dental Association Council on Scientific Affairs Expert Panel on Bisphosphonate-Associated Osteonecrosis of the Jaw. Updated recommendations for managing the care of patients receiving oral bisphosphonate therapy: an advisory statement from the American Dental Association Council on Scientific Affairs. J Am Dent Assoc. 2008 Dec;139(12):1674-7.


Réponse de l’auteur

Citez comme suit : J Can Dent Assoc 2013;79:d174_f

J’aimerais remercier les Drs Bouchard et Fortin de leur lettre et apporter les clarifications suivantes. La version imprimée abrégée de mon article1 ne contenait qu’un seul cas pour piquer l’intérêt des lecteurs, et il est possible que cela ait mené à des conclusions inexactes ou incomplètes, à savoir que les patients traités avec des bisphosphonates par voie intraveineuse (i.v.) ne devraient pas être considérés comme étant à haut risque. J’inviterais donc les lecteurs à lire la version intégrale de l’article en ligne2, qui présente un examen plus approfondi de la question.

Cet article avait pour but d’évaluer la littérature actuelle sur l’efficacité du télopeptide C-terminal (CTX) comme prédicteur de l’ostéonécrose de la mâchoire associée aux bisphosphonates (ONMB). Cet article conclut que très peu d’études ont pu établir de corrélation positive et que, dans l’ensemble, ce marqueur ne semble pas offrir une méthode d’essai particulièrement efficace. Les Drs Bouchard et Fortin se sont dits d’accord sur ce point, soulignant que cette méthode n’avait reçu l’aval d’aucun des organismes mentionnés.

L’énoncé voulant que les « patients qui présentent de faibles taux de CTX ne devraient pas systématiquement être classés comme des patients à haut risque » visait à renforcer la notion selon laquelle le CTX est, à lui seul, insuffisant pour déterminer le risque et, donc, le traitement, et qu’il faudrait insister davantage sur les antécédents médicaux, la voie d’administration des bisphosphonates et la durée du traitement, la prise concomitante d’autres médicaments, etc. Comme nous semblons d’accord sur le fait que le CTX est un marqueur peu fiable et controversé, cet énoncé va dans le sens des données publiées dans la littérature.

Ils soulignent, à juste titre, que la plupart des documents de consensus portent sur les bisphosphonates par voie orale. Je n’ai toutefois relevé aucune étude indiquant que la prise de bisphosphonates i.v. constitue une contre-indication à vie à la mise en place d’implants. Même s’il est vrai que ces patients présentent un risque plus élevé que la population générale, je souligne également dans mon article que ceci ne devrait pas nécessairement devenir une étiquette statique à vie. De fait, l’énoncé de position de l’AAOMS3 laisse croire que l’arrêt de la prise de bisphosphonates i.v. pourrait, à long terme, réduire le risque d’ONMB. De son côté, l’Association canadienne des spécialistes en chirurgie buccale et maxillofaciale (ACSCBMF)4 mentionne, dans son document de consensus, que des directives fondées sur les faits ont été établies afin de réduire au minimum les procédures invasives chez les patients actuellement traités avec des bisphosphonates i.v. Les patients décrits dans les deux études de cas présentées dans mon article différaient considérablement quant à leur prise antérieure de bisphosphonates i.v.; leur risque relatif était donc lui aussi très différent. Dans son énoncé de position, l’AAOMS3 indique que les patients qui sont traités pour un cancer et qui prennent des bisphosphonates i.v. de 4 à 12 fois par année ne devraient pas recevoir d’implants dentaires; or le patient de l’étude de cas no 2 n’avait pris des bisphosphonates i.v. que pendant trois mois au total.

La présentation de ces deux études de cas différentes visait à démontrer que le traitement dispensé n’avait pas été fondé uniquement sur le dosage du CTX, mais sur une variété de facteurs. De plus, aucune recommandation aux lecteurs n’a été formulée quant aux indications ou aux contre-indications du traitement. Comme je le dis en conclusion, « le traitement ne devrait pas être établi sur la base des résultats d’un seul test. Un bon jugement clinique et un examen approfondi des antécédents médicaux demeurent le moyen le plus efficace d’établir le traitement approprié2. »

Dr Michael Pasoff

Références

  1. Pasoff M. Emploi du télopeptide C-terminal reticule comme biomarqueur de l’ostéonécrose de la mâchoire associée aux bisphosphonates (abrégé). J Can Dent Assoc 2013;79:229-31.
  2. Pasoff M. Emploi du télopeptide C-terminal reticule comme biomarqueur de l’ostéonécrose de la mâchoire associée aux bisphosphonates : examen de deux cas. J Can Dent Assoc 2013;79:d51.
  3. Ruggiero SL, Dodson TB, Assael LA, Landesberg R, Marx RE, Mehrotra B, American Association of Oral and Maxillofacial Surgeons. American Association of Oral and Maxillofacial Surgeons position paper on bisphosphonate-related osteonecrosis of the jaws-2009 update. J Oral Maxillofac Surg. 2009 May;67(5 Suppl):2-12.
  4. Khan AA, Sandor GK, Dore E, Morrison AD, Alsahli M, Amin F, Canadian Association of Oral and Maxillofacial Surgeons, et al. Canadian consensus practice guidelines for bisphosphonate associated osteonecrosis of the jaw. J Rheumatol. 2008 Jul;35(7):1391-7.