Assurer la sécurité des soins : systèmes de déclaration, listes de vérification et normalisation des procédures

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Le secteur des soins de santé accuse au moins une décennie de retard par rapport à d'autres secteurs de haut risque pour ce qui est de l'attention qu'il porte aux mesures de sécurité de base. À titre comparatif, l'industrie aéronautique a déployé de vastes efforts pour concevoir des systèmes sécuritaires depuis la Seconde Guerre mondiale et son travail assidu a porté des fruits. Par exemple, entre 1990 et 1994, le taux d'accidents d'avion mortels aux États-Unis s'élevait à moins du tiers de celui du milieu du siècle. Tous ces efforts ont mené à une année exemplaire, 1998, où aucun passager n'est décédé sur les ailes d'une compagnie aérienne commerciale dans ce pays.

Dans le secteur des soins de santé, on estime que de 3 % à 4 % des patients hospitalisés subissent des torts évitables causés par les soins qu'ils reçoivent1. La complexification des soins de santé a conduit à une augmentation correspondante du nombre d'erreurs médicales. Une part importante des patients hospitalisés (jusqu'à 10 %) sont victimes d'une erreur médicale, dont près de la moitié est évitable2. Généralement parlant, les torts que subissent nos patients se classent dans 5 catégories : être frappé par un incident soudain (et parfois catastrophique), tomber sur un professionnel qui n'est pas au meilleur de ses capacités, recevoir un service sous-optimal sur une période de temps, ne pas pouvoir bénéficier de pratiques exemplaires, ou subir une complication ou un effet secondaire reconnu à la suite d'un traitement.

D'importantes percées dans la sécurité des patients ont été faites à l'échelle internationale par l'entremise du programme Sécurité des patients (auparavant l'Alliance mondiale pour la sécurité des patients) de l'Organisation mondiale de la santé (OMS) et grâce à des mesures législatives qui créent les conditions pour que la sécurité des patients fasse partie intégrante des soins cliniques3. Malgré cela, la sécurité des patients n'est pas perçue d'emblée comme une question de santé publique. À moins d'un revirement de situation, nous ne comprendrons jamais tout le fardeau des torts causés par la négligence de la sécurité des patients et nous n'arriverons pas à offrir des solutions solides fondées sur des données probantes.

Qu'en est-il des systèmes de déclaration?

Le Système de déclaration des événements indésirables et d'apprentissage au Royaume-Uni est digne de mention. Logé à l'Agence nationale de la sécurité des patients (ANSP), ce système est l'un des plus vaste du monde jusqu'à ce jour. Il renferme 5,5 millions de dossiers sur des incidents touchant la sécurité des patients. Sa base de données compte 75 champs, demandant notamment des renseignements démographiques sur le patient, la spécialité, l'endroit et le type d'événement, ainsi qu'un espace pour écrire une brève description de l'incident. Du personnel clinique formé passe en revue chaque incident ayant conduit à la mort ou causé un tort sérieux. Cette information sert ensuite à fournir des solutions aux problèmes de sécurité des patients, y compris à publier des rapports d'une page baptisés Rapid Response Reports (rapports d'intervention rapide), des résumés de données trimestrielles et de l'information sur des sujets particuliers, tels que des façons de prévenir la chute de patients hospitalisés. Ces documents sont publiés à la suite de consultations exhaustives avec des spécialistes en la matière et des organismes professionnels. Les organismes du Service national de santé ont aussi des délais fermes pour mettre en œuvre toute recommandation contenue dans ces rapports4.

Toutefois, à l'instar de tous les gros systèmes de déclaration d'incidents liés à la sécurité des patients dans le monde, celui du Royaume-Uni ne peut rien contre les événements non signalés. En conséquence, ces systèmes ne doivent pas servir à déterminer la récurrence d'un type d'erreur ou de tort en particulier, mais ils peuvent être utiles pour établir les tendances, à condition d'admettre que toute augmentation pourrait être attribuable simplement au fait qu'un incident jouit d'un signalement plus exhaustif.

Les listes de vérification sont-elles que de simples bouts de papier?

Il est clair que de grands pans de la pratique clinique sont désormais trop complexes pour que des groupes de professionnels des soins de santé puissent s'en occuper en se fiant seulement à leur mémoire. La chirurgie constitue l'un des exemples où les cliniciens doivent composer avec un niveau élevé d'inconnus dans leurs tâches quotidiennes, ce qui peut affecter la qualité et la sécurité des soins prodigués aux patients5. Pour cette raison, il est important que les professionnels (et leurs organismes respectifs) puissent établir et mettre en œuvre des stratégies visant à réduire le risque de tort iatrogène et aussi à accroître la probabilité d'un résultat favorable.

En janvier 2007, l'OMS a lancé un programme pour améliorer la sécurité des soins chirurgicaux à l'échelle du monde. Cette initiative, baptisée «Une chirurgie plus sure pour épargner des vies» , a établi des normes minimales de soins chirurgicaux qui peuvent être mises en œuvre n'importe où dans le monde et dans n'importe quel milieu. L'OMS a conçu une série de contrôles de sécurité de base (Liste de contrôle de la sécurité chirurgicale) qui peuvent servir dans n'importe quel environnement de chirurgie et de salle d'opération. Chaque élément de cette liste est simple, facile à appliquer et à mesurer. Cette liste est reconnue pour être associée à une réduction du risque de décès ou de complications majeures dans toute une série de milieux cliniques6.

La normalisation des procédures peut-elle réduire les torts?

Les infections associées à des soins de santé affectent au moins 300 000 patients hospitalisés par année au Royaume-Uni et représentent un fardeau important, bien qu'évitable, pour les systèmes de santé7. Le lavage des mains des professionnels de la santé est la première mesure préventive. Pourtant, le respect de cette mesure laisse généralement à désirer8. Le niveau de conformité de base oscille largement entre 5 % et 81 %9,10. Bien qu'il reste beaucoup de travail à faire, on peut s'inspirer et tirer des leçons inestimables de stratégies combinées qui ont réussi à améliorer l'hygiène des mains dans les milieux de soins de santé et, en conséquence, à réduire les infections associées à ces soins11. La campagne Lavez-vous les mains menée par l'ANSP12 a misé sur la normalisation des façons de faire. Les leçons tirées de cette initiative ont été élargies à d'autres domaines, telles que la réduction des infections associées à un cathéter central, et sont pertinentes pour d'autres disciplines, comme les soins dentaires.

Il faudra lever 3 obstacles avant de faire progresser de manière significative la sécurité des patients, tant d'un point de vue théorique que pratique. Il faudra bien orchestrer les actions pour maximiser l'utilité des systèmes de déclaration d'incidents touchant la sécurité des patients en tant qu'outils de déclaration et d'apprentissage, accroître la capacité de mener des programmes scientifiques sur la sécurité des patients et déployer davantage d'efforts pour diffuser les outils de sécurité des patients en vue de minimiser les torts iatrogènes.

L'AUTEUR

Sir Liam Donaldson est président de l'Agence nationale de la sécurité des patients et envoyé spécial de l'Organisation mondiale de la santé pour la sécurité des patients. Il a été médecin-hygiéniste en chef en Angleterre de 1998 à 2010.

Sir Liam Donaldson a prononcé la conférence commémorative Dr.-John-S.-Zapp 2011 lors du symposium sur la prévention des infections et la sécurité de l'Organization for Safety, Asepsis and Prevention (OSAP). www.osap.org

Écrire à : Sir Liam Donaldson, Agence nationale de la sécurité des patients, 4-8, rue Maple, Londres (Royaume-Uni), W1T 5HD. Courriel : liam.donaldson@npsa.nhs.uk

Les opinions exprimées sont celles de l'auteur et ne reflètent pas nécessairement les vues et politiques officielles de l'Association dentaire canadienne.

Cet article a fait l'objet d'une révision par des pairs.

Références

  1. Brennan TA, Leape LL, Laird NM, Hebert L, Localio AR, Lawthers AG, et al. Incidence of adverse events and negligence in hospitalized patients. Results of the Harvard Medical Practice Study I. N Engl J Med. 1991;324(6):370-6.
  2. Vincent C, Neale G, Woloshynowych M. Adverse events in British hospitals: preliminary retrospective record review. BMJ. 2001;322(7285):517-9.
  3. World Health Organization. World Alliance for Patient Safety: Forward Programme 2008-2009. Available: www.who.int/patientsafety/information_centre/reports/Alliance_Forward_Programme_2008.pdf (accessed 2011 Aug 10).
  4. Lamont T, Scarpello J. National Patient Safety Agency: combining stories with statistics to minimise harm. BMJ. 2009;339:b4489.
  5. Tucker AL, Spears SJ. Operational failures and interruptions in hospital nursing. Health Serv Res. 2006;41(3 Pt 1):643-62.
  6. Gawande A. The checklist: if something so simple can transform intensive care, what else can it do? New Yorker 2007; Dec 10:86-101.
  7. National Audit Office. Improving patient care by reducing the risk of hospital acquired infection: a progress report. 2004. Available: www.nao.org.uk/publications/0304/improving_patient_care.aspx (accessed 2011 Aug 10).
  8. Pittet D, Panesar SS, Wilson K, Longtin Y, Morris T, Allan V, et al. Involving the patient to ask about hospital hand hygiene: a National Patient Safety Agency feasibility study. J Hosp Infect. 2011;77(4):299-303. Epub 2011 Jan 13.
  9. World Health Organization. WHO Guidelines on Hand Hygiene in Health Care. 2009. Available: http://whqlibdoc.who.int/publications/2009/9789241597906_eng.pdf (accessed 2011 Aug 10).
  10. Sladek RM, Bond MJ, Phillips PA. Why don't doctors wash their hands? A correlational study of thinking styles and hand hygiene. Am J Infect Control. 2008;36(6):399-406.
  11. Pittet D, Hugonnet S, Harbarth S, Mourouga P, Sauvan V, Touveneau S, et al. Effectiveness of a hospital-wide programme to improve compliance with hand hygiene. Infection Control Programme. Lancet. 2000;356(9238):1307-12.
  12. NHS National Patient Safety Agency. cleanyourhands campaign. Available: www.npsa.nhs.uk/cleanyourhands/ (accessed 2011 Aug 10).