Puis-je utiliser la chlorhexidine comme seule solution d’irrigation pour les traitements endodontiques?

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La pulpite et la parodontite apicale sont dues à l'invasion de bactéries profondément dans la dentine ou l'espace canalaire. Dans les cas de parodontite apicale, le succès à court et à long terme du traitement endodontique dépend de l'élimination des microbes dans le système canalaire, ainsi que de la prévention d'une réinfection par infiltration coronaire. Lorsqu'il y a pulpite sans invasion bactérienne du canal radiculaire, le traitement consiste à nettoyer et à obturer le canal radiculaire, tout en évitant que les microbes pénètrent dans l'espace canalaire durant et après le traitement1.

Chaque traitement endodontique commence par l'établissement du diagnostic, la prise d'une décision concernant le traitement et l'information du patient. Le traitement consiste ensuite en la préparation de la cavité d'accès, la localisation des canaux radiculaires, l'instrumentation, l'irrigation et la désinfection, l'obturation radiculaire et la restauration coronaire de la dent. L'instrumentation est l'aspect qui retient le plus l'attention durant les discussions sur les traitements endodontiques; cette étape vise non seulement à retirer une partie du contenu du canal radiculaire, mais surtout à assurer une désinfection efficace et à rendre l'obturation radiculaire techniquement possible. Bien que l'instrumentation, l'irrigation, l'administration locale de médicaments (dans certains cas) et l'obturation radiculaire contribuent toutes à éliminer le microbiote du canal radiculaire, tous s'entendent pour dire que l'irrigation a un rôle crucial dans l'éradication de l'infection2,3.

L'irrigation joue un certain nombre de fonctions importantes : effet mécanique de lavage, réduction de la friction entre l'instrument et la dentine de la paroi canalaire, contrôle de la température, dissolution des tissus organiques et inorganiques, et effet antimicrobien. Aucune solution d'irrigation ne peut toutefois remplir seule toutes ces fonctions. Le traitement doit donc prévoir l'association d'au moins 2 solutions administrées dans un ordre précis, pour assurer une irrigation sécuritaire et efficace2,3.

Comparaison d'agents d'irrigation

Toutes les solutions d'irrigation sont raisonnablement efficaces comme agents de lavage, ainsi que pour réduire la friction (c.-à-d. lubrifier les instruments) et neutraliser la hausse de la température. Les différences importantes entre les produits ont trait à leur capacité de dissoudre les tissus et de détruire les microbes – deux aspects cruciaux2. L'hypochlorite de sodium (NaOCl) et l'acide éthylènediaminetétracétique (EDTA) sont généralement les solutions les plus utilisées pour l'irrigation des canaux radiculaires. Le NaOCl dissout efficacement les tissus organiques (mais moins la pulpe vivante) et détruit les bactéries et les levures. L'EDTA dissout les tissus inorganiques par chélation, mais n'a pas d'effet antimicrobien dans le canal radiculaire. En raison des différences entre ces agents d'irrigation, la ligne directrice classique qui consiste à utiliser le NaOCl (2 % à 6 %) durant l'instrumentation et l'EDTA (17 %) après le traitement demeure valable et fortement recommandée (ill. 1 à 4). Ces 2 solutions ne peuvent être utilisées simultanément, car le NaOCl perd son efficacité antimicrobienne en présence d'EDTA.


 

Ill. 1 : Boue dentinaire après l'instrumentation. La chlorhexidine (CHX) n'agit pas sur la boue dentinaire et l'hypochlorite de sodium (NaOCl) n'agit que sur la portion organique de la boue dentinaire, ce qui n'est pas suffisant pour l'éliminer.



Ill. 2 : Élimination de la boue dentinaire par l'application de NaOCl, puis d'acide éthylènediaminetétracétique (EDTA).






Ill. 3 : L'irrigation utilisant seulement de l'EDTA donne lieu à une élimination incomplète de la boue dentinaire, car la matière organique de la boue n'a pas été dissoute.

Il. 4 : Portion non instrumentée d'une paroi canalaire après irrigation avec du NaOCl et de l'EDTA. Une structure spéciale désignée «calcosphérites» est clairement visible, ce qui indique que tous les débris organiques qui la recouvraient ont été complètement éliminés.






 

Des études récentes menées dans ce domaine présentent des données nouvelles et dignes de mention, selon lesquelles une longue exposition (une heure) au NaOCl peut affaiblir l'intégrité structurale de la dentine. Il a également été démontré que même un bref rinçage (une minute) avec du NaOCL, réalisé après le dernier rinçage par l'EDTA (ou l'acide citrique), peut causer une érosion assez importante de la dentine à la surface du canal radiculaire4,5. Par conséquent, tant que d'autres données ne seront pas disponibles, le rinçage final par le NaOCl après l'utilisation d'EDTA ne devrait durer que quelques secondes.

Une autre option qui présente plusieurs avantages serait d'utiliser la chlorhexidine (CHX) comme agent de rinçage final. La CHX ne dissout pas les tissus (aucune érosion) mais elle détruit les microbes (ill. 5). Elle améliore également la qualité (c.-à-d. la résistance d'adhésion) de la liaison à long terme de la résine à la dentine, en inhibant les enzymes dentinaires (p. ex., les métalloprotéinases matricielles) qui autrement dégradent peu à peu la liaison6. Des études récentes ont démontré que la CHX mélangée à un agent de surface (CHX-Plus, Vista Dental Products, Racine, WI) a un meilleur effet antimicrobien que la CHX utilisée seule7. Cependant, comme la CHX ne dissout pas les tissus, on ne peut en recommander l'utilisation comme principal, ou seul, agent d'irrigation du canal radiculaire. Même si (en théorie) la CHX détruisait toutes les bactéries, les parois canalaires seraient couvertes d'une boue dentinaire et de débris organiques incluant des biofilms qui empêcheraient l'établissement d'un scellement adéquat entre l'obturation radiculaire et la dentine de la paroi canalaire.

Ill. 5 : Portion non instrumentée d'une paroi canalaire après irrigation avec seulement de la CHX ou seulement de l'EDTA. Comme ces solutions ne peuvent dissoudre les tissus organiques, ceux-ci persisteront si le NaOCl n'est pas utilisé durant l'instrumentation.




Conclusion

La solution d'irrigation de choix consiste à utiliser du NaOCl de façon continue durant l'instrumentation, puis à rincer avec de l'EDTA pendant 2 minutes pour éliminer la boue dentinaire. Lorsqu'on recherche un effet antimicrobien maximal, la CHX (de préférence au NaOCl) s'avère un bon choix comme agent de rinçage final après l'utilisation d'EDTA pour améliorer la désinfection et la résistance d'adhésion à la dentine (s'il y a lieu).

L'AUTEUR

Le Dr Haapasalo est chef du département des sciences biologiques et médicales buccales et directeur de la division d'endodontie de la Faculté de médecine dentaire de l'Université de la Colombie-Britannique à Vancouver (Colombie-Britannique).

Écrire au : Dr Markus Haapasalo, Département des sciences biologiques et médicales buccales, Faculté de médecine dentaire, Université de la Colombie-Britannique, 2199, Wesbrook Mall, Vancouver, BC V6T 1Z3. Courriel : markush@interchange.ubc.ca

Remerciements : L'auteur aimerait remercier tout particulièrement le Dr Ya Shen et Wei Qian pour leur aide dans la production des images de micrographie électronique à balayage.

Cet article a été révisé par des pairs.

L'auteur n'a aucun intérêt financier déclaré dans la ou les sociétés qui fabriquent les produits mentionnés dans cet article.

Références

  1. Haapasalo M, Endal U, Zandi H, Coil JM. Eradication of endodontic infection by instrumentation and irrigation solutions. Endod Topics. 2005;10(1):77-102.
  2. Haapasalo M, Shen Y, Qian W, Gao Y. Irrigation in endodontics. Dent Clin North Am. 2010;54(2):291-312. Review.
  3. Zehnder M. Root canal irrigants. J Endod. 2006;32(5):389-98. Review.
  4. Tatsuta CT, Morgan LA, Baumgartner JC, Adey JD. Effect of calcium hydroxide and four irrigation regimens on instrumented and uninstrumented canal wall topography. J Endod. 1999;25(2):93-8.
  5. Marending M, Paqué F, Fischer J, Zehnder M. Impact of irrigant sequence on mechanical properties of human root dentin. J Endod. 2007;33(11):1325-8.
  6. Carrilho MR, Geraldeli S, Tay F, de Goes MF, Carvalho RM, Tjäderhane L, et al. In vivo preservation of the hybrid layer by chlorhexidine. J Dent Res. 2007;86(6):529-33.
  7. Shen Y, Stojicic S, Qian W, Olsen I, Haapasalo M. The synergistic antimicrobial effect by mechanical agitation and two chlorhexidine preparations on biofilm bacteria. J Endod. 2010;36(1):100-4.