Dernièrement, on a vu apparaître un nombre infini d'articles et d'éditoriaux claironnant les associations entre la santé buccodentaire et systémique. Or, malgré les données cliniques et scientifiques ne cessant de se multiplier et indiquant des interrelations entre des maladies buccodentaires et d'autres affections tels la parodontite et le diabète1 ou la maladie cardiovasculaire,2 la dentisterie a du mal à convaincre les autres professions et le public de l'importance de pareilles associations.
Doit-on considérer la santé buccodentaire et la santé systémique comme deux entités différentes? Quand on voit la façon dont la profession a publicisé ce nouveau champ d'études, ce semble être le cas. En fait, en continuant à écrire et à parler des associations entre la santé buccodentaire et la santé systémique, la dentisterie confirme la perception que – malgré nos protestations du contraire – il y a une différence entre votre santé «buccodentaire» et votre santé «systémique». Si on laisse persister cette perception, il ne sera jamais possible d'expliquer de manière convaincante le lien entre la santé buccodentaire et la santé systémique, étant donné que ce choix de mots sépare la bouche du reste du corps.
Ne parlons-nous pas vraiment de la santé buccodentaire et de l'état de santé global?
Nous proposons que les associations entre les maladies buccodentaires et d'autres affections dans d'autres parties du corps soient expliquées dans le contexte de la santé buccodentaire et l'état de santé global, de la même façon qu'un médecin le ferait. Ainsi, un médecin dit à son patient que son diabète (une maladie du pancréas) est une maladie endocrinienne ayant un effet nocif sur son état de santé global, y compris divers systèmes organiques et physiologiques. Il est peu probable que vous entendiez un médecin parler à son patient de sa santé pancréatique et de sa santé systémique!
Même si nous commencions à employer les mots «buccodentaire» et «non buccodentaire», ces mots serviraient mieux notre propos que de parler de santé buccodentaire et de santé systémique – comme si elles n'étaient pas une même chose ou étaient à tout le moins les deux côtés d'une médaille.
Quand nous parlons des maladies buccodentaires telles la parodontite et la carie, nous devons nous rappeler que tout ce que nous faisons est de parler d'une maladie inflammatoire ou infectieuse particulière qui se trouve être située dans la bouche en raison de certaines caractéristiques anatomiquement uniques qui en font partie. Mais bon nombre de gens assument à tort que ces maladies ne sont pas censées avoir des répercussions ailleurs dans l'organisme.
Prenant en compte toutes ces questions, nous proposons qu'en parlant des maladies buccodentaires et de leur impact sur d'autres maladies ou d'autres systèmes de l'organisme, les dentistes s'abstiennent d'employer une terminologie qui rend plus importante la distinction entre la santé buccodentaire et la santé systémique. Au contraire, les recherches et les traitements dans ce domaine devraient être conçus suivant une terminologie qui ne sous-entend pas que les maladies apparaissant dans la bouche sont en quelque sorte distinctes des affections qui (surprise, surprise!) ont des répercussions sur d'autres affections dans l'organisme.
Il serait beaucoup plus productif et convaincant de commencer à parler de santé buccodentaire et de l'état de santé global. Après tout, quand une personne a une maladie buccodentaire, cette personne n'est tout simplement pas en santé. Inversement, quand une personne a une bouche saine et n'a pas de maladies dans d'autres parties du corps, cette personne est en santé. Un point c'est tout.
LES AUTEURS
Références
- Yuen HK, Wolf BJ, Bandyopadhyay D, Magruder KM, Salinas CF, London SD. Oral health knowledge and behavior among adults with diabetes. Diabetes Res Clin Pract. 2009;86(3):239-46. Epub 2009 Oct 2.
- Amabile N, Susini G, Pettenati-Soubayroux I, Bonello L, Gil JM, Arques S, et al. Severity of periodontal disease correlates to inflammatory systemic status and independently predicts the presence and angiographic extent of stable coronary artery disease. J Intern Med. 2008;263(6):644-52.