Le « microbiome mobile » : au-delà la bouche

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Dr Christopher McCulloch

Un article récent1 publié dans le Journal of Dental Research (JDR) passe en revue les dernières parutions qui traitent du concept de « santé buccodentaire, santé générale » et de ce qu’elles apportent en médecine dentaire. Nous avons demandé au Dr Christopher McCulloch, professeur et directeur du Matrix Dynamics Group de la Faculté de médecine dentaire de l’Université de Toronto, de nous donner son point de vue sur cet article.

JADC : L’article du JDR se penche sur les espèces bactériennes buccales mises en cause dans une série d’infections et d’inflammations générales, telles que l’athérosclérose, les issues défavorables d’une grossesse, l’arthrite rhumatoïde, la maladie intestinale inflammatoire et le cancer colorectal, les infections de voies respiratoires ainsi que d’autres inflammations des organes et abcès.

Jusqu’à quel point les données montrent-elles qu’un « microbiome mobile » peut affecter la santé générale?

CM : Les auteurs font valoir que, d’après les données, il est possible de tirer plusieurs conclusions. Ils mettent en évidence les forces et les faiblesses des associations et soulignent le besoin de prêter une attention accrue aux données. Vu que la conception des études passées en revue ne permet pas d’établir une relation de cause à effet nette et puisque la pathogénie fondamentale de ces maladies n’est elle-même pas entièrement définie, il faudra user de prudence pour interpréter ces associations. J’entends par cela que nous NE devrions PAS tirer de grandes conclusions et dire aux patients que le microbiote de leur bouche est directement liée à ces maladies. Je crois que ce serait irresponsable de notre part et peut-être même imprudent.

JADC : Les auteurs apportent-ils un éclairage nouveau sur la façon dont les bactéries buccales, peu importe leur pathogénie éventuelle dans la bouche, deviennent pathogènes ailleurs dans le corps?

CM : Les auteurs notent que « les bactéries buccales ont développé des mécanismes agressifs pour envahir des cellules hôtes et y survivre, pour échapper à la surveillance immunitaire de leurs hôtes, pour s’adapter à des niches extra-orales et pour produire une réaction inflammatoire se répercutant sur la santé générale » [trad.]. Il s’agit de généralisations utiles qui semblent particulièrement importantes pour plusieurs types d’organismes sous-gingivaux pouvant subsister dans les vacuoles intracellulaires des cellules hôtes pendant de longues périodes, sans causer pour autant la mort cellulaire. Par exemple, certaines espèces de bactéries buccales présentes dans le sillon gingivo-dentaire des poches parodontales peuvent se trouver dans une niche qui les protège. Quand les conditions deviennent « favorables » à ces bactéries, leur persistance pourrait accélérer leur recolonisation plus en profondeur dans le parodonte.

JADC : Quelles sont les principales conclusions des auteurs?

CM : Les auteurs arrivent à trois grandes conclusions :

  1.  Il est possible que les infections parodontales causent des bactériémies. Même si l’effet pathologique des bactériémies d’origine buccale et leur dissémination dans tout le corps sont très contestés, il serait possible que des bactéries buccales contribuent à des modifications pathologiques à distance, comme le flux non laminaire d’une valvule cardiaque. Cette possibilité fait ressortir l’importance d’une bonne hygiène buccodentaire pour réduire la charge bactérienne générale et sa dissémination.
  2. On a besoin d’élaborer des techniques de dépistage des bactéries plus efficaces et plus aisément utilisables pour bien prendre en charge les patients et pour repérer avec exactitude ceux ayant un sous-type bactérien virulent.
  3.  Les données actuelles faisant le lien entre les bactéries buccales et les infections extra-orales reposent sur des associations. Il faut des études mécanistes ayant un plan expérimental beaucoup plus solide (qui permettrait d’établir un lien de cause à effet, par exemple) pour découvrir le rôle éventuel des bactéries buccales sur la santé générale.

Adapté d’un billet publié dans Oasis Dicussions. Prenez part à la discussion au : www.oasisdiscussions.ca/2013/07/05/mic/

Référence

  1. Han YW and Wang X. Mobile microbiome: oral bacteria in extra-oral infections and inflammation. J Dent Res. 2013;92(6):485-91.