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Douleur faciale idiopathique persistante
Douleur extra-buccale ou intra-buccale tenace et continue (souvent ressentie dans les tissus profonds), d’une intensité variable. Également désignée douleur buccofaciale neuropathique continue (auparavant désignée odontalgie atypique, douleur faciale atypique ou mal de dents fantôme).
Tableau clinique
Population
- Trouble généralement peu fréquent. L’absence de consensus sur la nomenclature et sur la définition de ce trouble et les variations dans les méthodes d’étude font qu’il est difficile de mener des études épidémiologiques et d’en interpréter les résultats.
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Les taux de prévalence suivants ont été rapportés :
- Population en général : 0,03 % à 1,0 %
- Centres tertiaires de traitement de la douleur buccofaciale : 2,1 % à 10,6 %
- Patients ayant subi un traitement endodontique (traitement de canal non chirurgical ou chirurgical) : 3,0 % à 12,0%
- Trouble plus souvent observé chez les femmes dans la quarantaine et la cinquantaine.
Signes
- Habituellement unilatéraux.
- Les anomalies sensorielles du trijumeau ont une incidence sur la sensibilité à la douleur, en l’augmentant (c.-à-d. hyperalgésie, hyperesthésie, paresthésie, dysesthésie et allodynie) ou en l’atténuant (c.-à-d. hypoalgésie, hypoesthésie et anesthésie), ou un ensemble des deux.
- L’examen clinique, y compris les observations dentaires et radiologiques, ne révèle aucune anomalie ni étiologie pouvant expliquer la douleur.
- La douleur ne peut être attribuée à un autre trouble.
- Souvent, les patients ont consulté de nombreux professionnels dentaires et médicaux pour le traitement de leur douleur et ont subi sans succès de multiples interventions.
Symptômes
- Les patients ressentent de la douleur, habituellement de modérée à intense.
- La constance de la douleur est l’un des traits distinctifs de ce trouble.
- Douleur disproportionnée par rapport aux différents stimuli (p. ex. stimulus thermiques, percussion, palpation); les caractéristiques cliniques demeurent habituellement inchangées pendant des semaines, des mois ou des années.
- La douleur peut apparaître de façon spontanée (idiopathique) ou être consécutive à un événement, par exemple un traumatisme, une chirurgie mineure ou majeure ou une intervention dentaire (parfois désignée neuropathie périphérique traumatique douloureuse du trijumeau ou douleur dentoalvéolaire continue chronique).
- Les patients sont en mesure d’indiquer clairement l’emplacement exact de leur douleur, qu’elle soit extra-buccale ou qu’elle touche le complexe dentoalvéolaire (douleur localisée au niveau d’une dent ou de plusieurs dents ou de la muqueuse édentée).
Investigation
- Obtenir les antécédents médicaux et dentaires complets du patient, y compris des détails sur la douleur.
- Pratiquer un examen extra-buccal (tête et cou) et intra-buccal (dents, gencive et tissus mous) pour exclure les pathologies localisées ou autres sources de douleur.
- Faire un examen des nerfs crâniens afin de détecter toute anomalie nécessitant un examen plus poussé.
- Utiliser l’imagerie diagnostique. Prendre des radiographies dentaires, telles que des radiographies rétrocoronaires et rétroalvéolaires et des panorex, pour exclure les étiologies dentaires. Les techniques d’imagerie médicale, comme la tomodensitométrie et l’IRM, sont nécessaires pour exclure des pathologies du système nerveux central et des tissus durs ou mous.
- Examiner la possibilité de tests neurosensoriels (p. ex. test à l’aide d’un coton-tige, test de la piqûre, stimuli chaud/froid) afin de détecter toute anomalie sensorielle du trijumeau. La cartographie des régions atteintes, à l’aide de croquis ou de photos, fournit des renseignements supplémentaires sur la distribution métamérique.
Analyses non spécifiques
- Appliquer un anesthésique topique (p. ex. benzocaïne 20 %) pour aider à déterminer si la douleur est d’origine périphérique.
- Injecter un anesthésique local (à action brève, sans vasoconstricteur) pour aider au diagnostic. Si le patient continue de ressentir de la douleur malgré une anesthésie profonde, la douleur pourrait être d’origine centrale.
Remarque : Il n’existe à ce jour aucune ligne directrice validée sur l’évaluation de la sensibilité somatosensorielle buccofaciale.
Diagnostic
- Le diagnostic de douleur faciale idiopathique persistante consiste essentiellement en un diagnostic d’exclusion, basé sur les renseignements obtenus des antécédents du patient, de l’examen clinique, des radiographies et des tests complémentaires.
Diagnostic différentiel
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Troubles dentaires
- Caries dentaires
- Dent fracturée
- Hypersensibilité dentinaire
- Pathologie périapicale/parodontale/osseuse
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Troubles musculo-squelettiques
- Problèmes temporomandibulaires (PTM)
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Troubles neuro-vasculaires
- Les céphalées primaires, dont la migraine, les céphalées autonomes du trijumeau et les céphalées par tension nerveuse peuvent parfois être décrites par le patient comme un « mal de dents »
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Troubles respiratoires
- Sinusite et pathologie de la fosse nasale
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Troubles cardiovasculaires
- Les maladies cardiovasculaires, comme l’ischémie cardiaque ou l’infarctus aigu du myocarde, peuvent parfois être décrites par le patient comme un « mal de dents »
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Troubles endocriniens
- Diabète
- Hypothyroïdie
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Troubles dermatologiques
- Lupus érythémateux disséminé
- Polyarthrite rhumatoïde
- Syndrome de Sjögren
- Connectivité mixte
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Troubles neurologiques
- Lésions du système nerveux central
- Névralgies/prodrome de la névralgie du trijumeau
- Zona/algie post-zostérienne
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Autres
- Néoplasme dû à une tumeur primitive, à une atteinte métastatique, à un cancer systémique, à un cancer non métastatique à distance ou à un traitement contre le cancer
Traitement
Traitements initiaux courants
- Diagnostiquer et traiter les maladies et les troubles les plus susceptibles d’être des facteurs contribuant à la douleur du patient, y compris les pathologies périapicales ou parodontales spécifiques et les PTM.
- Faire preuve de prudence avant d’exécuter des procédures dentaires multiples en pareilles situations. Des interventions dentaires invasives pratiquées à répétition dans la région douloureuse, non seulement empêcheront le soulagement de la douleur, mais pourraient au contraire exacerber la douleur.
- Si aucune pathologie périapicale ou parodontale spécifique ni aucun PTM ne sont détectés, le dentiste doit en informer clairement le patient et le diriger vers le ou les cliniciens compétents.
Autres traitements
Envisager un traitement basé sur des monothérapies ou des polythérapies incluant :
- Techniques de médecine comportementale pour appuyer les thérapies cognitivo-comportementales, stratégies d’adaptation, techniques de relaxation, rétroaction biologique ou psychothérapie.
- Pharmacothérapies incluant des agents topiques (anesthésiques topiques ou associations médicamenteuses) ou des médicaments systémiques (antidépresseurs, anticonvulsivants, anxiolytiques, analgésiques, antiarythmisants). Des lignes directrices sur le traitement pharmacologique de la douleur neuropathique, qui ne sont toutefois pas spécifiques de la névralgie du trijumeau, ont été élaborées par la Société canadienne pour le traitement de la douleur, la European Federation of Neurological Societies et le groupe d’intérêt spécial sur les douleurs neuropathiques de l’Association internationale pour l’étude de la douleur.
Conseils
- Diriger le patient vers le ou les cliniciens compétents – par exemple un spécialiste en médecine buccale ou une équipe multidisciplinaire incluant un neurologue, un anesthésiologiste, un médecin de la douleur et un psychologue de la douleur – qui seront en mesure et, idéalement, seront désireux de collaborer avec le patient tout au long du processus diagnostique.
L’auteur
Ressources suggérées
- De Leeuw R, editor. Orofacial Pain: Guidelines for Assessment, Diagnosis, and Management. 4th ed. Chicago: Quintessence Publishing; 2008.
- Sharav Y, Benoliel R, editors. Orofacial Pain and Headache. 1st ed. Edinburgh: Elsevier Limited; 2008.
- Moulin DE, Clark AJ, Gilron I, Ware MA, Watson CP, Sessle BJ, et al. Pharmacological management of chronic neuropathic pain - consensus statement and guidelines from the Canadian Pain Society. Pain Res Manag. 2007;12(1):13-21.