Des étudiants en dentisterie à l'Université de l'Alberta offrent bénévolement des soins buccodentaires à des jeunes entre 15 et 25 ans dans une clinique d'un quartier défavorisé d'Edmonton. Cet article examine le profil démographique des patients de la clinique SHINE, son fonctionnement et sa valeur perçue.
Les membres de la société n'ont pas tous accès aux mêmes traitements et soins dentaires préventifs. Des études ont démontré que les jeunes issus de familles à faible revenu ont un risqué accru d'avoir des caries1, sont les plus grands utilisateurs des services dentaires pour soulager la douleur2, et se rendent moins souvent chez un dentist généraliste que les jeunes habitant dans des quartiers favorisés3. L'organisme Urban Institute de Washington a fait enquête sur les soins préventifs chez les enfants issus de familles à faible revenue sans assurance santé et a constaté que plus de la moitié d'entre eux n'avaient jamais bénéficié de soins dentaires préventifs4.
Nous sommes d'avis que tous les jeunes doivent pouvoir bénéficier de ce qui est aussi crucial que des soins dentaires appropriés – peu importe leur capacité de payer pour ces soins ou leur lieu de résidence. Une étude5 révèle que les programmes publics de soins dentaires pour les enfants rendaient égale l'utilisation des services dentaires entre les villages et les centres urbains et contribuaient largement à améliorer la santé buccodentaire des enfants dans ces régions. Cette étude démontre également que l'accès à des soins peut réduire les inégalités observées au niveau de la santé buccodentaire. Ces résultats créent un solide précédent pour militer en faveur de soins dentaires gratuits pour les personnes démunies.
Des jeunes au service des jeunes
En 2004, un groupe d'étudiants en médecine dentaire et en médecine de l'Université de l'Alberta a noté qu'il y avait un besoin de services de santé auprès des démunis et a mis sur pied la clinique Student Health Initiative for the Needs of Edmonton (SHINE). Avec comme devise «des jeunes au service des jeunes», cette clinique a réuni des étudiants en médecine dentaire, en médecine, en soins infirmiers, en travail social et en nutrition pour offrir des services de santé gratuits à des jeunes entre 15 et 25 ans. Cette clinique est située dans le Boyle-McCauley Health Centre, un centre de soins de santé appurtenant à la collectivité et exploitée par celle-ci. Ce centre traite des patients «aux prises avec de multiples difficultés, y compris la pauvreté, l'itinérance, des troubles de santé mentale, la toxicomanie et l'isolement social».
La clinique dentaire SHINE fonctionne comme une entité distincte grace aux efforts d'étudiants en dentisterie bénévoles et de précepteurs qui sont des dentistes locaux et qui supervisent bénévolement les étudiants tout au long du traitement d'un patient. Le fonctionnement de la clinique est assuré par des commandites d'entreprises, des dons d'équipement et des collectes de fonds. Récemment, grâce aux fonds amasses lors du tournoi de golf annuel de la Clinique SHINE, le centre Boyle-McCauley a pu rénover ses installations dentaires et ajouter une autre salle, des appareils de radiographie dans trois salles, de nouveaux fauteuils dentaires, un appareil de radiographie panoramique, de la tuyauterie et un stérilisateur.
La clinique offre des soins dentaires aussi essentiels que du détartrage et du surfaçage radiculaire, de l'information sur l'hygiène buccale, de la restauration de base, des extractions et des consultations. Les patients qui ont besoin d'interventions plus complexes, telles que des traitements nécessitant plusieurs rendez-vous, sont aiguillés vers d'autres sources. La clinique dentaire SHINE a aussi le mandat de faire de l'éducation publique, de distribuer des documents sur les manifestations orales de la consommation de cocaïne et de methamphetamine et de diffuser des renseignements sur le perçage buccal et le tabagisme.
Qu'en disent les patients?
Les étudiants qui travaillent à la clinique dentaire SHINE, sous la supervision d'un membre du corps enseignant de l'Université de l'Alberta, ont entrepris une évaluation des caractéristiques démographiques des patients de la clinique, de l'installation de la clinique, de son fonctionnement et de sa valeur perçue. On a demandé à tous les patients qui ont fréquenté la clinique entre janvier 2007 et mars 2009 de répondre sur place par écrit, de manière confidentielle, à 15 questions d'enquête. Le consentement et la participation à cette enquête étaient volontaires; sur les 106 questionnaires distribués, 62 ont été remplis, soit un taux de réponse de 58 % (encadré 1).
Profil démographique des patients
- 49 % des patients avaient entre 23 et 25 ans
- Près de 60 % des patients étaient des hommes
- 63 % habitaient à Edmonton depuis 10 ans ou moins
- 71 % ne travaillaient pas à temps plein
- 62 % fréquentaient la clinique pour la première fois
Valeur/satisfaction
- Sur une échelle de 1 («pas utile») à 5 («très utile»), presque tous les patients (95 %) ont répondu 4 ou 5.
- Sur une échelle de 1 («très insatisfait») à 5 («très satisfait»), tous les patients (100 %) ont répondu que leur satisfaction était de niveau 3 ou plus.
- 75 % des patients ont accordé la note la plus élevée, soit «très satisfait».
Besoins en matière de soins buccodentaires
- Environ la moitié des patients (55 %) ont consulté la clinique en raison d'un nouveau problem buccodentaire.
- 13 % y sont venus pour un examen et 16 % pour le suivi d'un problème antérieur.
Les résultats clés de cette enquête montrent notamment que plus de la moitié des patients sont arrivés à la clinique par transport en commun ou à pied, ce qui indique que l'emplacement de la clinique au coeur d'un quartier défavorisé convient aux personnes habitant à proximité. Pour ce qui est des heures d'ouverture, 89 % des répondants (54/61) ont indiqué que le samedi après-midi était le moment le plus opportun pour se présenter à la clinique. Comme la clinique n'est actuellement ouverte que le samedi, l'horaire actuel semble convenir tant à la grande majorité des patients qu'aux étudiants en dentisterie qui peuvent y faire du bénévolat la fin de semaine.
À la question voulant vérifier si les patients se sentaient à l'aise que les soins soient prodigués par des étudiants, 58 répondants sur 61 (95 %) ont indiqué qu'ils avaient confiance dans le traitement reçu. On a aussi demandé aux patients ce qu'ils feraient s'ils n'avaient pas accès à la clinique SHINE. Le plus souvent, ils ont répondu qu'ils «consulteraient un dentiste» (44 % ou 27/61), «consulteraient un médecin en cas d'urgence» (23 % ou 14/61) ou «ne feraient rien» (25 % ou 15/61).
Nous croyons que les résultats de cette enquête sont très encourageants puisqu'ils montrent que le niveau de satisfaction de la clientèle de la clinique est très élevé. Vu que bien des patients fréquentant la clinique SHINE ne choisiraient pas de consulter un dentiste ou ne pourraient pas en consulter un s'ils avaient un problème buccodentaire, les étudiants et dentistes bénévoles respondent à un besoin crucial en matière de services dentaires dans ce quartier défavorisé d'Edmonton.
Combler un besoin
La clinique dentaire SHINE est l'idée d'étudiants en médecine dentaire intéressés à venir en aide à d'autres jeunes. Aujourd'hui, elle est une clinique dentaire entièrement fonctionnelle qui permet aux étudiants en dentisterie de contribuer à la bonne santé de la collectivité et de parfaire leurs competences cliniques. Au fil des ans, le succès de cette initiative a montré qu'une clinique dentaire exploitée par des étudiants recevra l'assentiment de la collectivité. Depuis 2004, l'initiative a pris considérablement d'ampleur. En 2009, la clinique dentaire SHINE a pu offrir 25 séances et a fournit 113 heures de bénévolat assurées par des dentists et des étudiants. En janvier 2010, 30 précepteurs et 87 étudiants faisaient régulièrement du bénévolat à la clinique, par comparaison à 5 précepteurs et à 11 étudiants au départ.
Les projets futurs de la clinique dentaire SHINE comprennent l'inclusion de l'apprentissage par le service communautaire pour tous les étudiants en médecine dentaire de l'Université de l'Alberta, et non pas seulement ceux qui se portent bénévoles. Le programme SHINE a aussi comme objectif de générer suffisamment de fonds pour étendre ses heures et ses services à d'autres groupes d'âge.
Le soutien de la collectivité et la collaboration entre étudiants et praticiens bénévoles ont nourri cette initiative valable. Il est important tant pour les étudiants que les professionnels de la médecine dentaire de reconnaître leurs rôles et leurs responsabilités à titre de fournisseurs de soins de santé en faisant bénéficier la collectivité de leurs compétences, surtout les personnes qui n'ont pas les ressources nécessaires pour obtenir des soins buccodentaires privés. À une époque où les motifs et le sens moral des professionnels de la santé sont remis en question par certains members de la société, la clinique SHINE gérée par des étudiants est une manifestation d'un profond sentiment d'engagement à l'égard d'autrui. Il est à souhaiter que cette clinique motivera davantage d'étudiants et de professionnels de la medicine dentaire à intervenir pour améliorer la santé buccodentaire des membres les plus démunis de la société.
LES AUTEURS
Références
- Hjern A, Grindefjord M, Sundberg H, Rosen M. Social inequality in oral health and use of dental care in Sweden. Community Dent Oral Epidemiol. 2001;29(3):167-74.
- Edelstein BL. Disparities in oral health and access to care: findings of national surveys. Ambul Pediatr. 2002;2(2 Suppl):141-7.
- Maunder P, Landes DP, Steen N. The equity of access to primary dental care for children in the North East of England. Community Dent Health. 2006;23(2):116-9.
- Kenney GM, McFeeters JR, Yee JY. Preventive dental care and unmet dental needs among low-income children. Am J Public Health. 2005;95(8):1360-6.
- Pinilla J, González B. Equity in children's utilization of dental services: effect of a children's dental care program. Community Dent Health. 2006;23(3):152-7.